[RPG] Poursuite dans l'ombre et confrontation dans le sang [PV Léandre][Terminé]

Invité

Saki se releva tant bien que mal, mais sa blessure à la jambe la faisait terriblement souffrir. Une masse de sang s'écroula au sol et elle trébucha, s'affalant de tout son long dans une flaque. Elle se releva brusquement, apeurée, et se dirigea en courant vers des petites rues sombres. Elle masqua son odeur le plus possible mais elle sentait une puanteur se rapprocher d'elle. Le sang coulait encore et encore de ses blessure et le traumatisme quel venait de vivre l'avait secouée. Il avait essayé de la...de la violer...C'était répugnant. Cet humain avait profité du fait qu'elle était gravement blessée pour tenter d'abuser d'elle. Malheureusement, étant blessé elle ne pouvait pas courir très vite et elle boitait. Elle atteint bientôt une impasse et eu juste le temps de voir une rivière couler en dessous d'elle. Elle regarda derrière elle et vit l'espèce de masse remplie de bière prête à lui sauter dessus. Elle plongea alors dans les eaux noirs et disparut de la vue de l'ivrogne. Elle se laissa couler dans le liquide et son sang se mêla lentement à l'eau. Elle regarda autour d'elle et se dirigea selon sa vue et son ouïe. elle repéra une petite ruelle où elle pourrait s'abriter le temps que son agresseur disparaisse. Elle se hissa hors de l'eau et se traina lentement dans l'ombre. Elle saignait. Elle avait mal. Enfin, elle n'avait pas mal physiquement. C'était plutôt au coeur qu'elle souffrait. Elle détestait perdre et sa défaite avait été écrasante. Elle soupira et ferma les yeux. Sa jambe se mit à se soigner, mais le processus de guérison était très lent. Son bras aussi avait pas mal pris. elle le dissimulait son sa veste car sa main avait été à moitié dépourvue de son épiderme et deux trous béants étaient présents dans son bras. Elle frappa son poing contre le sol. Pourquoi avait elle perdu ? Son œil aussi avait été touché. En effet, du sang coulait de celui-ci et lui brouillait par la même occasion la vue. Elle ferma les yeux. Elle puait la bière et s'était vraiment désagréable. Si seulement elle s'était nourrie avant d'aller voir Alexiel elle n'aurait pas été dans cet état. Elle aurait pu se défendre. Là, la fatigue l'avait terrassée et s'évanouir en plein combat ne l'avait pas aidée.

- Tsss...J'aurais dût boire un peu de sang humain avant de venir...

Ses blessures commençaient déjà à se soigner mais avec une lenteur assez frustrante. Elle soupira de nouveau et jugea bon de ne pas bouger tant que ses blessures ne seraient pas guéries. Elle resta assise dans l'ombre et la lune vint éclairer son doux visage couvert de sang. Ses yeux avaient changés et ils étaient jaunes, coupés par une pupille féline. Elle respirait difficilement et sa respiration était rauque et saccadée, tel un animal blessé. Elle ne pouvait pas bouger. Si on la trouvait maintenant, elle était perdue. Dire que cet humain avait tenté de la violer. Elle en eu la nausée rien que d'y penser. Son front vit perler quelques gouttes de sueurs et la froideur de la nuit vint sécher cette eau désagréable. Pourtant, Saki n'avait pas froid. Elle avait seulement faim et mal. Très mal

Léandre se réveilla au beau milieu de ses draps défaits. Jusque là, tout était normal. Errant encore dans les limbes de son sommeil agité, la réalité des faits d’hier le frappa avec la violence d’un coup de poing. Les morts, le combat, la défaite, Saki, Alexiel et Grey… D’un seul coup, une grande lassitude le submergea. Au moins Alexiel allait bien, et en ce moment, il devait dormir paisiblement, tel qu’il l’avait laissé. C’était là, sa seule consolation.
La longue silhouette du jeune homme se redressa, non sans douleur. Son corps en avait pris un sacré coup, mais au moins il s’était un peu reposé. Il n’était plus sans défense. D’un geste il ôta ses vêtements tâchés de sang et les jeta à la poubelle. Se débarrasser des mauvais souvenirs. Le jeune homme alla prendre une douche, et resta un long moment sous le jet d’eau chaude, perdu dans ses pensées.

La matinée fut morne, des nuages gris recouvrèrent le ciel comme autant de soucis qui flottaient dans la tête de toute la troupe. Le jeune homme ne croisait que des visages tristes ou inquiets. Lui-même n’en menait pas large. D’ordinaire souriant, le jeune homme conservait un air grave et las, souligné par sa chemise de lin noir et son pantalon de la même couleur macabre. C’était ses habits de deuil. Le reste de la journée ne fut pas plus glorieux, son seul réconfort vint de sa mère, qui n’éclatait plus en sanglots nerveux. Tout le monde se remit au travail mais ne cœur n’y était pas. La tragédie d’hier avait marqué les esprits et les forains autrefois si bondissants et enjoués, n’étaient plus que l’ombre d’eux même. En milieu d’après-midi, la nouvelle tomba. Le départ était reporté à demain soir. Evidement ca avait causé des émules dans le milieu policier et judiciaire, un tel massacre. Personne n’osa protester.

Léandre profita du temps libre qu’on lui avait accordé pour rendre visite à Alexiel. Le cerveau du jeune fourmillait d’un millier de questions sans réponses, peut-être que le jeune ange arriverait à l’aider à y répondre. Le jeune homme arpentait les rues de City, comme une âme en peine. Le soir allait bientôt tomber. Désormais sa haine s’était éteinte, laissant place à une sorte de lassitude et d’indifférence. Est-ce que tout ça en valait vraiment la peine ? Il commençait à se poser des questions. Léandre marchait, ses longues mains blanches bien enfoncées dans ses poches, il leva les yeux vers ce ciel désespérément gris et poussa un soupir qui en disait long. Qu’est ce que ca voulait dire tout ça ? C’était toujours les mêmes questions, les mêmes « pourquoi ? ». Les raisons de Saki lui échappait complètement, son comportement était inégal, contradictoire. Comment tuer des innocents, torturer et sauver Alexiel ? Ses motivations étaient obscures. Le visage de la jeune femme lui revint en mémoire, avec à la fois son air doux et ses yeux cruels. Il ne savait plus où il en était, partagé entre cette haine et ce désir. Et Alexiel qui l’avait protégé de l’autre rouquin dans un geste à la fois stupide et héroïque. Il ne le comprenait pas. Il ne le méritait pas.

La nuit recouvra City d’un voile noir et inquiétant. La rapidité avec laquelle l’obscurité avait envahi les lieux n’offusquait pas Léandre, dans sa tenue noire, seule sa peau claire et ses cheveux blonds tranchaient. Le manoir Edgeworth n’était plus très loin. Une drôle d’odeur flottait dans, tellement familière…Les ruelles sombres de City n’étaient pas très accueillantes, à cette heure-ci elles étaient soit désertes, ou bien occupées par des personnes peu fréquentables. Comme lui ? Une sorte de respiration, venant d’une ruelle sordide l’interpella. Il s’arrêta net, cela ressemblait un peu à la respiration d’un animal. Le jeune homme s’arrêta net.

Dans l’obscurité de cette ruelle, il perçu une forte odeur de sang. Léandre se tourna vers les ténèbres de cette ruelle et distingua deux yeux jaunes, semblables à des pupilles de serpents. La lune éclaira un visage familier. Saki. Il n’aurait jamais cru la trouver ici, si proche d’Alexiel. Etait-il en danger ? Non…elle ne lui voulait pas de mal… Il resta un moment debout à l’observer, hésitant à aller à sa rencontre. D’un côté il ne voulait plus jamais avoir affaire à elle, de l’autre il voulait élucider son mystère. Il acceptait sa défaite, mais cela ne l’excusait pas le moins du monde. Il la détestait toujours pour ces actes abominables. Il la jaugea, sans pour autant jubiler de sa souffrance. Lui aussi avait eu droit à ses hématomes de l’égo. C’était à son tour d’avoir été vaincu. Il la jugeait l’œil sévère et impitoyable.

La curiosité l’emporta sur le reste. Elle devrait s’expliquer de ses actes. Le jeune homme avança jusqu’à elle, aucunement troublé par l’état de la jeune femme, d’ordinaire si fière. Il ne venait pas pour se battre, ce serait un combat bien inégal d’ailleurs. Il marcha autour d’elle.

- Alors…c’est à ton tour de chuter de ton piédestal ? Dans quel état tu es…

Sa voix exprimait un léger mépris, doublé d’indifférence. Il ne souriait pas. Il pensait qu’elle l’avait bien cherché. Ce n’était qu’un retour des choses. Pour mieux la voir, il s’accroupit à ses côtés. Elle était couverte de blessures et avait perdu beaucoup de sang. Bien que recouvert de sang, son visage brillait sous l’éclat de la lune. Le vampire perdait de sa superbe mais il ne s'en réjouissait pas.

[i]- Je me demande bien qui a pu encore plus cruel que toi, pour te réduire à ça...

Invité

Saki soupira longuement. L'eau continuait à s'écouler devant elle et elle ne pouvait plus bouger. Que c'était rageant...D'un côté elle était plutôt contente d'être là. Elle pouvait enfin réfléchir à ce qu'elle faisait là et pourquoi on l'avait punie une nouvelle fois. Encore une fois elle méritait ce châtiment. Comme d'habitude après tout non ? Elle siffla bruyamment en voyant un gros rat grimper sur ses genoux. Déjà que ses vêtements étaient tous boueux, si en plus les rats se mettaient à les ronger...Elle regarda vers le ciel. Un éclair déchira les nuages grisés et vint éclairer son visage. Décidément, il faisait vraiment moche ces derniers jours. Elle regarda la rivière d'où elle s'était tirée. elle était encore rougeâtre, et les traces de son sang dans la boue étaient vraiment très visibles. Elle tenta de bouger pour les effacer mais rien à faire, son corps ne voulait pas réagir. D'un coup, elle se figea. Elle sentait une présence à cent pas. Elle respira plus calmement en reconnaissant l'odeur de Léandre. Heureusement ce n'était pas l'ivrogne qui l'avait retrouvée. Dans son malheur elle avait de la chance. Enfin si on pouvait appeler ça de la chance...Peut être voudrait il la punir lui aussi ? Peut être qu'il en profiterai pour l'achever voyant dans quel état elle était ? Peut être qu'il la violerait ? Elle frissonna à ces pensées en secouant la tête. Non. Léandre n'était pas le genre de personne à faire ça aux autres. Surtout pas à elle. Il n'oserait jamais lui faire une chose pareil et elle savait qu'il était encore troublé par son aura. Elle le regarda arriver, l'entendit. L'odeur qu'il dégageait ce fit plus présente et bientôt, elle embauma l'endroit où ils se trouvaient.

- Tiens tiens...De la visite...

Malgré elle, sa parole avait été désagréable. pourquoi était elle comme ça. Elle s'excusa d'avoir parlé comme ça et respira plus calmement. Son stresse ne voulait pas baisser et c'était vraiment horrible de ce sentir gêné et stressée en même temps. Elle détourna la tête. Il devait la trouver bien pitoyable dans cet état là. Elle l'entendit parler et les paroles qu'il lui lança au visage lui firent plus de mal qu'elle le pensait.

- Alors…c’est à ton tour de chuter de ton piédestal ? Dans quel état tu es…

Quel piédestal au juste ? Une pseudo force surhumaine ? Une vie immortelle ? A quoi bon ? Elle n'était pas très forte en vérité mais ça folie lui avait fourni le courage qui lui manquait. Elle contempla le visage de Léandre en gardant son air impassible. Elle ne s'était toujours pas décidée à relire ses pensées. Léandre était la seule personne qu'elle respectait plus qu'elle même et de ce fait, elle ne lisait pas ses pensées. Elle se trouva d'ailleurs stupide de penser à ça dans pareils circonstances. Elle garda cependant un air de je-m'en-foutiste et déclara d'un ton blasé:

- Eh oui que veux tu...

Que voulait il qu'elle lui dise au juste ? Qu'elle s'explique pour ce qu'elle avait fait probablement. Il y avait des chances pour que ce soit ça. Elle détourna la tête une nouvelle fois ne voulant pas croiser ce regard qui la condamnait. Elle n'aimait pas ça et ça la mettait très mal à l'aise. Elle n'avait jamais su s'excuser et surtout si la personne refusait ses excuses. Elle avait libéré l'enfant et la jeune femme alors elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait faire de plus. Elle avait sauvé Alexiel et c'était la pensée la plus heureuse de sa journée. Elle sourit en repensant à son visage enfantin qu'elle avait vu juste en sortant de chez lui et avant de se faire attaquer par Gabriel. Il avait l'air heureux. Dire qu'elle lui avait promit de revenir le voir. Peut être qu'elle ne pourrait pas finalement.

- Je me demande bien qui a pu être encore plus cruel que toi, pour te réduire à ça...

Elle se figea. D'habitude, ce genre de remarque l'aurait fait rire mais là, pas du tout. Elle n'esquissa même pas un sourire. Après tout cette rencontre l'avait probablement changée. Elle écarquilla les yeux et remarqua alors dans une flaque d'eau que ceux ci étaient redevenus normaux. Elle pensa cependant quelques minutes que ce n'était pas la peine de lui dire la vérité. A quoi ça servait de toute façon. Il devait s'en fiche comme de l'an quarante et faire une question rhétorique qui n'attendait bien évidemment pas de réponse. Elle souffla bruyamment comme une enfant prise en faute. Pourquoi prendrait elle la peine de répondre ? Elle décida de dire quelques chose de faux puisque de toute façon il se fichait de la raison.

- Je me suis faite attaquée par un clochard et il a essayé de me violer...

Ce n'était pas complètement faux non plus ! C'était uniquement la deuxième partie...Le problème c'était que ça n'expliquait pas ses blessures. Elle se tritura les méninges très vite et une idée germa alors dans son esprit. C'était vraiment stupide pour une vampire de son rang mais elle n'était pas à une bêtise près alors à quoi bon se démener pour trouver des excuses ? De plus, elle dissimulait encore son bras gauche et il ne pouvait voir que sa jambe et son épaule saigner. Elle ouvrit la bouche et lança alors d'une voix claire:

- Il me poursuivait alors je me suis jetée du haut de l'immeuble où nous étions et je suis tombée sur le sol. C'est pour ça que je saigne comme ça. Comme je n'avais pas mangé je me soigne moins rapidement voilà tout...

Elle soupira. Ce réduire à une stupide humaine en mal d'amour n'était pas vraiment son genre. Enfin...Elle leva enfin la tête vers lui mais ne regarda pas pour autant son visage, laissa ses yeux vers son cou.

- Et pourquoi t-es tu arrêté si ce n'est pour me contempler dans ma déchéance ?

Durant cette journée grise, qui avait des airs de dimanche, le temps s’écoulant lentement, presque douloureusement. Comme si les dieux avaient décidé par pure cruauté de rendre les secondes plus lentes pour laisser les hommes, inondés par leur désespoir. Avec les évènements d’hier, Léandre avait la désagréable sensation d’être plongé en eau profonde de façon à émousser ses sens et ses sentiments. Une sorte de léthargie…

L’état de Saki n’avait éveillé aucun sentiment de haine ou de rancœur. Néanmoins il était conscient que c’était ce qu’il devait ressentir et donc, il s’exprimait en conséquence, bien que le ton de sa voix fût parfaitement indifférent. Dénué de tous sentiments, excepté peut-être un léger mépris pour paraître convaincant. En réalité il se fichait bien de ce qui lui arrivait, qu’elle le mérite ou pas. Ca n’avait pas vraiment d’importance en fin de compte, rien ne pourrait le faire revenir dans le temps pour stopper cette machination tragique. C’était inévitable, tout comme nuages gris chargés d’humidité finissent par laisser la pluie tomber, dans un grand soulagement.

- Tiens tiens...De la visite...

Il ignora tout bonnement son ton désagréable et s’approcha à pas mesurés. Evidemment il n’avait pas osé espérer tomber sur la jeune femme, surtout en état de faiblesse. Mais pourquoi ne pas en profiter afin d’obtenir quelques éclaircissements ? Désormais c’était tout ce qu’il comptait obtenir d’elle, rien de plus. Il ouvrit la bouche pour déclarer d’un ton froid :

- Alors…c’est à ton tour de chuter de ton piédestal ? Dans quel état tu es…

- Eh oui que veux tu...

A cette phrase succéda un léger soupir. N’en avait-elle rien à faire de sa détresse ? Pour la première fois, il la vit gênée et mal à l’aise. A son tour, elle recevait le poids de la défaite sur ses épaules. Ce spectacle n’avait rien de particulièrement réjouissant, pourtant ca aurait du lui faire plaisir…de la voir comme ça. Mais non, rien. Pas la moindre satisfaction. Pas la moindre sympathie non plus. Léandre constatait avec amertume que la machine de son cœur était encore défectueuse. Incapable de ressentir les bonnes choses correctement. Incomplet, inachevé, le vide cruel de son âme appelait la pièce manquante. Sans réponse. Il ne prit même pas la peine de maudire cette absence d’état d’âmes, au contraire, il lança une autre flèche verbale à son attention, vu qu’il était censé le faire.

- Je me demande bien qui a pu être encore plus cruel que toi, pour te réduire à ça...

La jeune femme s’immobilisa en un instant. De toute évidence il avait visé juste et était parvenu à blesser son égo. De nouveau il en éprouvait aucune jubilation. Progressivement, il observa les yeux jaunes de la jeune femme retourner à sa couleur habituelle : un pur vif-argent. Elle évitait toujours son regard, alors que lui au contraire détaillait les blessures de la jeune femme, qui éveillaient faiblement sa curiosité. Saki se sentait-elle coupable ou quelque chose comme ça ? Comme si elle avait un cœur…Le jeune homme posa ses yeux sur les substances qui recouvraient la jeune femme. Du sang et de la boue.

- Je me suis faite attaquée par un clochard et il a essayé de me violer...

Un sursaut inattendu le sortit de sa torpeur, accompagné d’une espèce de fourmillement dans les doigts. Cette soudaine manifestation émotive le troubla. Se pourrait-il qu’elle mette en péril les chaînes de glace qui endormaient ses sensations ? Cela avait été un sentiment furtif de…de quoi déjà ? Comme si le sang son cœur s’était remis à battre et le sang à couler dans ses veines. Saki poursuivit son récit.

- Il me poursuivait alors je me suis jetée du haut de l'immeuble où nous étions et je suis tombée sur le sol. C'est pour ça que je saigne comme ça. Comme je n'avais pas mangé je me soigne moins rapidement voilà tout...

Il détailla de nouveau ses blessures. Son récit avait quelque chose qui sonnait faux. Comment, affamée, se serait-elle laissée impressionnée par un simple clochard ? C’était tout à fait ridicule. De plus cela n’expliquait pas les traces boueuses sur ses vêtements. Mais qui était-il pour la blâmer sur ce mensonge ? Il releva ses yeux bleus impassibles vers les siens et haussa un sourcil. Il laissa glisser un doigt sur le bras de Saki.

- Bien sûr…et c’est ce dangereux clochard qui t’as jeté de la boue ?

Il ne chercha pas plus loin d’explications. Après tout ça ne le regardait pas. Il fit mine de regarder ailleurs. Cet échange verbal ressemblait à la plus banale des conversations. Comme s’il ne s’était rien passé. Et pourtant c’était loin d’être oublié, il s’en souvenait dans les moindre détails. Particulièrement du sourire satisfait qu’elle affichait, cette nuit là.

- Et pourquoi t-es tu arrêté si ce n'est pour me contempler dans ma déchéance ?

Il lui lança un regard désinvolte. Sa déchéance, en fin de compte il n’en avait rien à foutre. Léandre se sentait aussi glacé à l’intérieur que la peau froide de la jeune femme. Il la regarda intensément, comme s’il cherchait à apercevoir quelque chose au fond de ses yeux argentés, qui évitaient soigneusement son regard. Sans détacher son attention de Saki, ses lèvres esquissèrent des mots sur un ton détaché.

- Non.
J’aimerais juste que tu m’expliques ton raisonnement. Pourquoi avoir tué ces gens ? Que t’avaient-ils fait ? Et pourquoi, d’un autre côté, sauver Alexiel ? Tes motivations m’échappent complètement…

Invité

Saki frissonna. Elle détestait être gênée par les gens, surtout ceux auprès de qui elle avait fait quelques chose de mal auparavant. Son regard resta rivé vers le sol. En vérité, elle se fichait bien de son état. Si elle pouvait mourir, au moins quelques chose serait fait. En même temps, elle n'en avait pas très envie puisqu'elle abandonnerait Léandre à son triste sort. Elle baissa la tête et contempla ses pieds nus, obligée de les enlever pour courir, elle avait dût les abandonner sur place. Elle resta quand même sur l'idée qu'avoir mal ne la dérangeait pas tant que ça. en fait elle ne souffrait même pas et même sa main à demie arrachée ne lui arracha qu'un soupçon de douleur. Elle poussa un gémissement plaintif car ça faisait tout de même mal et déplaça sa main derrière elle. Hors de question qu'elle soit prise en pitié maintenant. Elle continuait de regarder le sol, un air complètement blasé sur le visage. Elle l'entendit parler. Elle s'entendit même répondre à cette petite joute verbale qui la fatiguait plus qu'autre chose. Cette conversation ne l'ennuyait pas, bien au contraire, seulement elle était épuisée et s'être traînée hors de cette rivière l'avait achevée. Elle respira calmement, tentant de se remettre à "souffler" normalement. Son coeur ne battait plus mais elle respirait encore. C'était très agréable de sentir l'air s'engouffrer dans ses poumons.

- Je me suis faite attaquée par un clochard et il a essayé de me violer...

Elle fut assez surprise de la réaction de Léandre. Il avait manifesté quelques secondes une curiosité assez inattendue qu'il perdit cependant en un instant. elle sentit qu'il ne la croyait pas mais après tout elle s'en fichait un peu de ce qu'il pensait. Il ne pensait rien sur elle et ça la mettait déjà en rage, si en plus il se fichait d'elle, elle ne comprenait même pas pourquoi il restait là à attendre.

- Il me poursuivait
alors je me suis jetée du haut de l'immeuble où nous étions et je suis
tombée sur le sol. C'est pour ça que je saigne comme ça. Comme je
n'avais pas mangé je me soigne moins rapidement voilà tout...

Elle regarda ses blessures commencer à guérir. Elle s'attendit à voir sa chaire en papier bulle, pourtant, ses yeux s'écarquillèrent en voyant absolument rien ne se passait. Que lui avait fait cet inconscient ? Elle soupira de soulagement en voyant quelques petites bulles commencer à se former sous son manteau. Elle se laissa couler dans la douce chaleur de sa guérison. Si agréable, si douce. Elle promena alors son regard sur les vêtements de Léandre. Mouillés par la pluie et autre, sales. Normal, un jour de pluie on se salit forcement. Lui était trempé. Elle ne leva pas les yeux vers lui. Elle ne voulait pas et ne pouvait pas croiser son regard. Elle détourna la tête de nouveau, agacée par cette faiblesse de sa part. C'était horripilant d'être intimidée par un humain. Surtout quand cet humain était diablement beau et sexy et que ses lèvres était la meilleur chose qu'on ai gouté. Elle secoua la tête. Ce n'était pas le moment de penser à ça. Elle l'entendit d'ailleurs parler.

- Bien sûr…et c’est ce dangereux clochard qui t’as jeté de la boue ?

Comme précédemment, le rire qui aurait dût éclater à ce moment là ne vint pas. La jeune femme le regarda cependant d'un air complètement ahuri, comme si il était vraiment sérieux dans l'aberration qu'il venait de dire. Il ne voyait pas que tout ce qui était autour d'eux était couvert de boue ? Ou peut être était il aveugle ? Elle remua sa main devant elle pour voir si il la voyait mais il suivait sa main et Saki la baissa se rendant compte que ce n'était pas ça. Elle regarda tout autour d'elle, pensant que vraiment c'était une question un peu...étrange.

- Eh bien...je ne sais pas si tu as remarqué mais...Il y a de la boue partout et je suis dedans...Normal que j'en sois couverte non ? Je suis tombée à cause de mes blessures et je suis coincée ici...Dans la boue...

Cette fois là, elle avait vraiment été sincère. Elle était réellement étonnée par cette question. ça lui paraissait évident à elle. Elle avait dit ça d'une traite. Pour s'expliquer parce que elle pensait qu'il blaguait. Il y avait de la pluie partout, de la terre, de la boue, elle était blessée et affamée. Elle posa sa main droite sur son menton et se tritura les méninges. Qu'avait elle raté comme information ? Et lui qu'avait il raté ? Il y avait un moment où elle faisait fausse route dans l'histoire mais où était ce ? Pourquoi avait il posé cette question ? Elle resta quelques minutes à se triturer les méninges et ne trouvant aucune solutions décida d'abandonner en haussant les épaules.

- Non.
J’aimerais juste
que tu m’expliques ton raisonnement. Pourquoi avoir tué ces gens ? Que
t’avaient-ils fait ? Et pourquoi, d’un autre côté, sauver Alexiel ? Tes
motivations m’échappent complètement…

Elle tourna la tête vers lui écarquillant les yeux une nouvelle fois et pour la première fois depuis leur rencontre elle croisa son regard mais ferma les yeux immédiatement et les rouvrit sur une flaque d'eau boueuse. Elle reprit son regard blasé et haussa les épaules avec désinvolture. Elle n'avait pas envie de ressasser tout cela mais puisqu'il lui posait la question, pourquoi ne pas lui répondre ? Après tout elle n'avait plus rien à perdre. Grey se reposait dans sa cave et son chat Hidéki était en sécurité chez elle. Elle soupira. Pourquoi devait elle expliquer sa souffrance à n'importe qui ? Non...Tout compte fait ce n'était pas n'importe qui...C'était Léandre...Elle lui devait bien ça après tout...Mais comprendrait il ? Pas sur. Après tout c'était sa famille. Même Mathilda.

- Tu sais ce que c'est de prendre conscience que les gens ont une répulsion extrême envers toi et qu'ils sont près à te tuer ? Qu'à leur yeux tu n'es qu'un monstre horrible ? Qu'une bête assoiffée de sang ? Non, bien sur que tu ne sais pas...Et tu ne sais pas non plus l'envie qui te saisit lorsque quelqu'un te traite de monstre ou d'insanité n'est-ce pas ? Pourquoi ai je agis ainsi ? Mais voyons...Pourquoi démentir ces gens ? Après tout...Tu le pense toi aussi à présent...pourquoi ne pas être un monstre en fin de compte ?

Saki changea de regard. Celui-ci était dur. elle ne pardonnait toujours pas à cette fois d'avoir essayé de la tuer. Elle aurait dût la massacrer plutôt que lui faire peur. Elle leva la tête vers le ciel. Elle ressentait encore la souffrance et la violence qui l'avait frappée lorsque le sortilège avait pris possession d'elle. Elle se souvenait de ses mouvement saccadés et de son souffle ralentit. Elle se rappelait toute cette lumière qui se rependait sur elle. elle se souvenait du poison qui l'avait habitée pendant quelques minutes. Elle baissa de nouveau les yeux et reprit d'une voix plus douce:

- Pourtant...Même si je suis un monstre...Moi aussi j'éprouve des sentiments...Et c'est pour ça que quand je l'ai vu...Je...

Elle était à présent vraiment gênée. Étaler ses sentiments comme ça. Elle était vraiment mal en point. ça ne lui ressemblait absolument pas. Pourtant c'était vrai. Lorsqu'elle avait vu Alexiel, allongé dans la forêt, le sang coulant de son poignet et se tordant de douleur, elle n'avait pas résisté à la pulsion qui était en elle. Elle avait courut le plus vite qu'elle avait pu, de la peur dans la tête et une détermination incroyable s'était éveillée en elle. Elle avait courut et l'avait sauvé. Et puis encore une deuxième fois, cet être qui ne représentait rien pour elle avait été blessé et elle l'avait sauvé une deuxième fois. Peut être parce qu'en Alexiel elle reconnaissait le caractère de Charles ? Peut être bien. Elle soupira et releva la tête. Elle planta ses pupilles dans celles de Léandre et parla d'un ton assuré.

- Faut il vraiment une raison pour sauver un être qu'on aime ?

Oui. C'était ça en fait. Elle l'aimait ce petit bout de chou. Elle l'aimait énormément. Mais pas comme un amant. elle l'aimait comme un fils. Oui. C'était ça qu'elle avait évoqué tout à l'heure avec lui. Un "fils". C'était Ce qu'elle éprouvait pour lui et rien d'autre. Elle savait que sa ressemblance avec Charles y était peut être pour quelque chose mais elle avait soigneusement évité d'y penser. Elle voulait qu'il reste vivant à présent et Gabriel pouvait la frapper autant qu'il voulait elle n'arrêterait jamais de le protéger. Elle détourna le regard et baissa la tête vers la rivière. Celle-ci était devenue noire, mais peu à peu l'eau redevint claire et net. C'était peut être son coeur en ce moment...Brisé puis recollé...Le seul être vivant qui lui avait donné un peu d'amour ? Non...Pas le premier...Le deuxième...

Enfin. Léandre lui avait posé la question qui le tourmentait. Pourquoi ? Qu’avait été leur crime ? Il allait enfin connaître la réponse, savoir si le monstre qu’il avait vu cette nuit là n’était animé que de cruauté et de soif de sang. D’un côté ca ne changerait rien, quoiqu’elle puisse dire, cela ne l’excuserait en rien. Pourtant le jeune homme avait désespérément envie d’en apprendre plus sur ses motivations. Connaître la vérité pour enfin être en paix et en accord avec ses sentiments. Savoir quoi ressentir exactement, justifier la haine dévastatrice et l’envie de vengeance qui l’avaient submergé. Saki leva les yeux vers lui, surprise, son regard ne s’adoucit pas pour autant. Il brûlait de le savoir, pou enfin mettre un terme à ses tourments.

- Tu sais ce que c'est de prendre conscience que les gens ont une répulsion extrême envers toi et qu'ils sont près à te tuer ? Qu'à leurs yeux tu n'es qu'un monstre horrible ? Qu'une bête assoiffée de sang ? Non, bien sur que tu ne sais pas...Et tu ne sais pas non plus l'envie qui te saisit lorsque quelqu'un te traite de monstre ou d'insanité n'est-ce pas ? Pourquoi ai-je agis ainsi ? Mais voyons...Pourquoi démentir ces gens ? Après tout...Tu le pense toi aussi à présent...pourquoi ne pas être un monstre en fin de compte ?

Il l’écouta attentivement sans la quitter des yeux. Même dans son état lamentable et avec la sincérité tremblant dans sa voix il ne parvenait pas à éprouver de la pitié pour elle. La jeune femme venait d’exposer sa souffrance, de mettre son cœur à nu et il ne ressentait pas le moindre petit sentiment. En effet il ne connaissait pas cette répulsion, ce rejet de l’humanité. Mais à vrai dire ca aurait également pu lui arriver. Si elle se considérait elle-même comme un monstre il n’allait pas la contredire. C’était ce que le jeune homme avait vu en cet être assoiffé de sang cette nuit là et il n’allait certainement pas s’apitoyer sur le sort de Saki. Il répliqua sèchement :

- Ce n’est pas vraiment ce que tu es, qui a fait de toi un monstre, mais ce sont les actes que tu as commis, en ton âme et conscience.

Elle aurait très bien pu lui retourner le compliment. Cependant elle ne le fit pas. Peu importe, lui aussi avait souvent mal agi. Mais il l’avait fait pour protéger ou venger sa famille. La seule chose pour laquelle il était doué. La vengeance et la haine. Un monstre faisant la morale à un autre. C’était son choix et le jeune homme en assumait les conséquences. La jeune femme poursuivit d’une voix plus douce.

- Pourtant...Même si je suis un monstre...Moi aussi j'éprouve des sentiments...Et c'est pour ça que quand je l'ai vu...Je...

Elle parlait d’Alexiel. Le faible jeune garçon qu’elle semblait pourtant détester à l’hôpital. N’était-ce qu’une façade ? Elle s’était quand même occupée de lui, elle l’avait sauvé…Chose que Léandre était incapable de faire. Il lui en était reconnaissant pour ça. Il devait bien admettre que si l’ange vivait encore aujourd’hui c’était grâce à elle. Il se souvint d’Alexiel couvert de sang, puis de sa silhouette gracile qui s’était interposée entre lui et Grey. Pour le protéger…Quel idiot. Ce garçon n’était pas normal, il voyait de quoi Saki voulait parler. Rien que de penser à lui, cela lui réchauffait sensiblement le cœur. Est-ce que l’ange était capable de réveiller le meilleur en chacun de nous ? Apparemment ils partageaient leur attachement pour Alexiel.

- Faut-il vraiment une raison pour sauver un être qu'on aime ?

Saki osait pour la première fois planter son regard dans le sien et lui parler d’un ton assuré. Léandre en fut troublé, autant que par les mots qu’elle avait employés. « Faut-il vraiment une raison pour sauver quelqu’un qu’on aime ? » Le jeune homme resta interdit tandis que cette phrase lourde de sens résonnait dans son esprit. Saki avait un cœur puisqu’elle aimait Alexiel. Léandre ressentit un grand vide au plus profond de lui, n’avait-il jamais sauvé quelqu’un qu’il aimait ? Avait-il jamais vraiment aimé, ou bien n’était-ce qu’un mensonge ? Le jeune homme éprouva un grand vertige. Et si Saki avait d’avantage de sentiments humains que lui ? Et si tous ses sentiments qui n’avaient été qu’une illusion, destinée à lui faire croire qu’il n’était pas entièrement dépourvu d’émotions ? Il doutait. Saki, elle, était certaine de ce qu’elle éprouvait même si cela se révélait destructeur. Et si…les seuls vraies émotions qu’il avait éprouvées étaient quand il tuait, quand il haïssait jusqu’à la mort ? Les chaînes de glaces qui enfermaient son cœur, se brisèrent instantanément, laissant son visage exprimer une sorte de détresse intérieure, inexplicable.

De l’autre côté de la ruelle, une silhouette patibulaire s’approcha en titubant. Dans sa main, l’homme tenait une bouteille qu’il vida d’un trait avant de la jeter près des poubelles. Il sentait l’alcool à plein nez. L’homme avait passé toute la nuit à errer dans les bars, pour s’amuser tout simplement. En sortant de l’un d’entre eux, il avait croisé cette fille, qui était aussi belle que ces prostituées d’Europe de l’Est. Prenant ça pour un signe du destin, et vu l’état peu réactif dans lequel elle était, il avait pris la décision de s’amuser un peu…Seulement cette fille était parvenue à s’enfuit pendant qu’il avait le dos tourné ! Ah la diablesse ! S’il pouvait lui retomber dessus !

Apparemment le destin voulait accorder ses souhaits ou bien il s’acharnait particulièrement sur Saki. Il venait de la retrouver, par hasard, alors que l’homme se rendait dans un autre bar mal famé, pour se remplir le gosier une dernière fois. Il l’avait aperçue de loin. A quelle chance ! Il allait enfin pouvoir tirer son coup, pour finir la soirée en beauté. Il s’approcha en titubant et s’exprima d’une voix rauque et désagréable :

-Alors chérie ? On a essayé de m’échapper hein ? Héhé…Petite salope… Allez viens, on va bien s’amuser tous les deux !

Saki semblait encore trop épuisée pour bouger. Pour l’homme, c’était sans conteste une proie facile pour ses fantasmes les plus malsains. Il approcha sa grosse main de la jeune femme, sans doute pour l’attraper par le bras. Léandre qui était resté figé, fut enfin enclin à réagir en posant sa main sur l’avant-bras du malpoli pour l’arrêter dans sa course.

-Ne la touchez pas !, siffla-t-il avec plus d’agressivité qu’il ne l’aurait cru.

- Ouaaa dis-donc, t’as amené ton frè…

L’homme n’eut pas le temps de finir sa phrase, que déjà, le poing gauche de Léandre vint lui percuter le nez avec un craquement. Il ne savait pas pourquoi il venait d’agir de cette façon. Ne se fichait-il pas du sort de Saki ? Mais là tout de suite, il devait apaiser le sursaut de violence qu’avaient occasionné ses réflexions. Le type était arrivé au mauvais moment. Sans aucune raison, le jeune homme déversa toute sa colère sur ce grossier personnage. Il allait déguster. L’homme ne se laissa pas faire, bien que plus petit que notre magicien, il possédait une carrure plus avantageuse et apte à prendre des coups ainsi qu’à en donner. Il riposta avec un crochet du droit dans la mâchoire du jeune homme, qu’il ne put éviter. Léandre eut de nouveau le goût désagréable du sang dans la bouche. L’homme lui porta un nouveau coup à l’épaule, ce qui lui arracha un cri de douleur. Cela lui rappela quand il était adolescent. Il se battait sans cesse, il se jetait littéralement sur ses adversaires avec férocité. Apparemment c’était toujours le cas. Sauf que cette fois, Ricardo ne pourrait pas venir le tirer d’affaire.

L’homme le poussa violemment contre un des murs de la ruelle pour tenter de lui asséner un nouveau coup de poing au visage. Léandre pencha la tête, et le poing du malpoli alla s’écraser contre les briques. Cela arracha un cri de douleur au sac-à-bière, qui avait désormais les jointures en sang. Léandre en profita pour lui asséner un coup de poing au foie, région sensible du corps humain. L’homme fut plié en deux sous l’effet de la douleur. Le magicien saisit l’occasion qui se présentait et lui lança un nouveau coup au visage, ainsi qu’aux côtes. Le type manqua de s’écrouler et s’appuya sur le mur opposé, haletant de douleur. Le jeune homme, les poings dehors et prêt à en découdre. Sa respiration était saccadée et nerveuse, il parvenait à peine à la maîtriser, sous l’effet de la rage. Léandre avala difficilement le sang qu’il avait dans la bouche avant d’essuyer sa lèvre éclatée d’un revers de la manche. Il toisait toujours son adversaire avec férocité. C’était de ça qu’il avait besoin. D’un exutoire, de se battre à l’ancienne. L’homme fortement éméché se redressa péniblement. Il avait le nez en sang et se tenait péniblement les côtes.

-Non, c’est bon,c'est bon !… Je te la laisse cette petite garce, je…j’me casse. Me frappe pas !!!

C’est avec une certaine satisfaction que le jeune homme observa le type renoncer et boiter lamentablement jusqu’au bout de la ruelle. Ses mains aux jointures abîmées tremblaient nerveusement à cause de l’effort qu’il venait de fournir. Mais qu’est ce qu’il venait de faire ? Pendant un instant il avait éprouvé la forte envie d’aller éclater la tête de son adversaire contre le mur, juste pour le plaisir. Léandre desserra doucement les poings. D’où venait cet accès de haine, de rage ? Il observa ses mains sans trop comprendre. Echappait-il lui-même à son propre contrôle ? Légèrement fatigué par l’effort, il alla s’adosser contre le mur, observant les tâches de sang sur le sol. Le sang de Saki, le sang de l’inconnu et le sien.

Mais bon sang, pourquoi l’avait-il défendue ? Il la détestait, elle méritait ce qui lui arrivait ! Il aurait dû laisser ce type lui faire du mal…N’était-ce pas ainsi qu’il aurait du réagir ? D’où venait cette haine profonde et soudaine ? Le jeune homme prit sa tête entre ses mains. Qu’est-ce qui n’allait pas ? Qu’est ce qui faisait défaut ? Pourquoi…Pourquoi l’avoir sauvé, elle ?

* « Faut-il vraiment une raison pour sauver un être qu'on aime ? » *

Invité

Au moment où Saki prononça les mots, elle sentit une profonde douleur lui arracher la poitrine. Elle eu un violent haut le coeur mais son estomac ne se vida heureusement pas sur les pavés. Elle avait la tête qui tournait et elle continua à parler d'une voix saccadée. Tremblante. Elle l'était vraiment. Elle tremblait violemment en se souvenant de cela. Elle se tut et imagina le visage de Léandre. Elle savait qu'il s'en fichait. Elle tapa rageusement du poing sur le sol. Pourquoi lui poser cette question si c'était pour ne pas être intéressé hein ? Peut être pensait il qu'elle ne regrettait pas ? Stupide...Bien sur qu'elle regrettait son emportement. En même temps, elle avait mal et cette souffrance quasi permanente la rebutait.

- Ce n’est pas vraiment ce
que tu es, qui a fait de toi un monstre, mais ce sont les actes que tu
as commis, en ton âme et conscience.

Elle soupira. Après tout qu'est ce qu'il y comprenait lui ? ça ne lui était jamais arrivés et à ce stade psychologique, ça ne lui arriverait jamais. Oh, alors il pensait qu'elle avait vraiment fait ça en "âme et conscience" ? Elle sourit intérieurement. Si la folie était à considérer dans le "âme et conscience" alors oui, elle l'avait fait consciemment. Consciente qu'elle massacrait des innocents emportée par la haine, la folie et la tristesse. Oui, on pouvait appeler ça "conscience" mais elle n'était pas elle même au moment des faits. Elle ne voulait pas se défendre. Elle assumait complètement ce qu'elle avait fait. Mais on ne pouvait pas dire qu'elle l'avait fait "consciente" car ça n'avait pas été le cas. Elle souffla et ferma les yeux. Rien que relever ses paupières lui demandait un effort véritable et son ouïe ainsi que son odorat lui suffisaient amplement pour savoir ce que disait Léandre et où il était.

- un monstre reste un monstre...On ne se refait pas...N'est-ce pas ?

Elle avait posé la question avec une totale désinvolture. Elle ne l'accusait nullement. Elle voulait simplement son avis sur ce fait. Le sujet dériva ensuite sur alexiel. L'ange si spécial et si magique qu'elle avait sauvé. Il était perplexe par ses paroles. Elle fut un peu jalouse car il tenait à Alexiel. C'était un être cher à ses yeux...Et aussi au sien se dit elle. Elle le considérait comme un être cher. Elle garda ses yeux fermés et se remémora le visage d'Alexiel. Enfantin, mignon. Dire que ça aurait pu être son arrière arrière arrière arrière grand mère. Saki pensa alors qu'elle était très heureuse d'être un vampire. Bien que cette pensée l'étonna elle était vraiment heureuse de l'être. Elle n'aurait jamais pu rencontrer tout ce monde si elle était morte avec ses autres compagnons. Elle frissonna. La température avait baissé et elle était trempée. Dans peu de temps elle serait probablement frigorifiée.

Elle regarda Léandre. Il était complètement désemparé et elle écarquilla les yeux de stupeur. Il regardait le sol d'un regard vide, comme si tout ce qu'il avait jusqu'à présent était inutile. Elle haussa les épaules. Grand bien lui fasse. Au moins il pourrait réfléchir sur ses erreurs passées. Soudain, elle sentit une forte odeur de vinasse. Elle pria pour que que ne soit pas ce qu'elle pensait et tourna brusquement la tête vers la ruelle, de la sueur dégoulinant le long de sa colonne vertébrale. Un curieux sentiment venait de naitre dans son ventre. Etait ce de la peur ? Oui, elle avait même très peur. Peut être était ce parce qu'elle était blessée et qu'elle ne pouvait pas bouger...Elle ferma les yeux pour effacer l'odieuse image de l'homme ayant essayé de la violer mais lorsqu'elle les rouvrit, celui-ci était toujours là, évoluant lentement vers elle. C'était un mauvais rêve et elle n'était pas prête de se réveiller.

-Alors chérie ? On a essayé de m’échapper hein ? Héhé…Petite salope… Allez viens, on va bien s’amuser tous les deux !

Le porc ! Elle allait lui cracher tout ce qu'elle pensait au visage et tout ce qu'il lui inspirait c'est à dire du dégout et de la haine et que si il essayait de la toucher ne serait ce qu'une fois, elle lui ferait regretter lorsqu'elle serait remise. Cependant, la peur restait présente dans son regard. Elle ne pouvait pas remuer pour le moment. Elle tenta un vague regard vers la jambe de Léandre mais détourna la tête offusquée. Elle était bête de penser qu'il pourrait l'aider. Il la surprit alors par son comportement et elle le regarda alors.

-Ne la touchez pas !

- Ouaaa dis-donc, t’as amené ton frè…

Elle écarquilla les yeux. Léandre venait de le frapper. Pas un petit coup sympathique. Un véritable crochet du droit dans la figure. Le sang laissa une traînée sur le sol. L'homme se tint le nez quelques minutes et repartie à l'attaque. Elle regarda les deux hommes et se demanda qui allait gagner. Certes, Léandre était grand et bien battis, seulement l'homme avait une carrure de boxer et de plus l'alcool énervait beaucoup. Elle les vit s'échanger coups sur coups et lorsqu'elle vit le blond aller s'écraser sur le mur, elle eut une espèce d'envie de hurler. elle se retint cependant car ça ne servirait strictement à rien. Le combat était assez violent et Saki vit les deux hommes se jeter à terre, avec une sauvagerie lui rappelant les humains de son époque. Elle eu brusquement un flash et son regard se perdit dans le vide. Elle voyait quelqu'un se battre et ne savait pas qui s'était. Elle le vit tomber à terre et un homme crier "RÉVOLUTION!!!" puis planter une épée dans le flanc de l'homme et le laisser se vider de son sang sur le sol. Elle tentait d'hurler car cette personne lui était cher. Elle le sentait au plus profond de ses tripes. Elle revint tout à coup à elle. L'homme était accoudé au mort et cracha au sol du sang. Il se tenait les côtes. Elle regarda l'état de Léandre et il n'était guère mieux que son adversaire. Sa lèvre était éclatée et apparemment, ses côtes lui faisait mal. Alors, l'homme recula et lança avant de disparaitre:

-Non, c’est bon,c'est bon !… Je te la laisse cette petite garce, je…j’me casse. Me frappe pas !!!

Elle sentit la peur. L'homme avait peur et pour cause. Léandre dégageait une espèce de hargne inconnue. Il soufflait bruyamment comme un lion après avoir gagné. Il était épuisé et alla s'appuyer contre le mur pour reprendre ses esprits. Son coeur battait rapidement et elle sentit le froissement du vent sur sa peau tremblante. Il avait l'air complètement désorienté à se demander ce qu'il faisait là. Et alors, une vérité s'imposa à Saki : il venait de se battre pour la défendre. Elle secoua la tête. Impossible. Elle regarda le visage de Léandre qui avait les yeux écarquillés. Apparemment, lui non plus ne comprenait pas ce qui venait de lui arriver. Il avait l'air de se poser milles questions au quel il ne pouvait répondre. Il s'immobilisa soudainement et elle s'inquiéta un peu. Quel lui arrivait il encore ? Et d'abord pourquoi il le fixait comme ça maintenant ? Elle baissa les yeux, pas du tout impressionnée mais un peu gênée. Une chose invraisemblable avait l'air de se passer dans sa tête. Elle enragea de s'être interdit de lire les pensées du jeune homme. Elle releva la tête vers lui et remarqua qu'il la fixait toujours. Elle n'eut d'autre choix que de planter ses pupilles dans les siennes. Ce regard...Il n'avait pas changé. elle sombrait toujours dans cet océan bleu roi. Impossible d'arrêter. C'était pour cela qu'elle ne voulait pas le regarder. Elle n'arrivait pas à parler sérieusement devant ces...ces yeux...

- Pourquoi ? demanda t-elle d'une toute petite voix et les yeux dans le vague. Pourquoi as tu fait ça ? Tu...Je pensais que tu me détestais ? Elle releva les yeux et le regarda de nouveau. Elle perdit alors se qui lui restait de raison et sa phrase raisonna dans la ruelle. Pourquoi m'as tu protégé ?

Son combat l’avait complètement essoufflé. Appuyé contre le mur de brique de la ruelle sordide, Léandre reprenait progressivement sa respiration et ses esprits. Le jeune homme fit un bref détail des blessures. Son épaule droite lui faisait affreusement souffrir, ses côtes étaient légèrement douloureuses et le gout métallique du sang, trop familier était bien présent dans sa bouche. Rien qu’il ne pourrait surmonter, en tout cas il essayait de s’en convaincre. Le jeune homme regarda ses mains aux jointures abimées. Elles tremblaient encore, indépendamment de sa volonté. Tachées de sang. Rien qui n’aurait dû l’inquiéter. Et pourtant… Pourquoi s’était-il acharné sur cet homme avec autant de férocité ? Il n’était pas sur le point de lui faire du mal, en tout cas pas à lui…

La dernière phrase de Saki résonnait encore vivement dans son esprit. Ce n’était tout de même pas POUR CA ? Il n’osait pas l’admettre. Il n’osait pas la regarder. Ca ne pouvait pas être ça. Le jeune voulait s’en convaincre. Ce n’était rien de plus qu’une faiblesse, une galanterie de sa part. Léandre sentait son cœur battre à mille à l’heure dans sa poitrine. Sans doute l’excitation. Maintenant le jeune homme se sentait d’avantage vivant, débarrassé des chaînes de l’indifférence qui l’entravaient mais à quel prix ? Pour gagner un sentiment inavouable et parfaitement malsain ? Le jeune homme prit sa tête entre ses mains. Il refusait d’écouter, il refusait catégoriquement de concevoir une telle chose. Malheureusement les actes parlaient d’eux-mêmes…

Il l’avait sauvée, instinctivement. Il répugnait à ce que cet homme la touche. Surtout pour commettre cet acte ignoble. Saki et son visage angélique, l’éclat de ses doux yeux gris, la fraîcheur de sa peau sans défauts. Ses doigts se crispèrent dans sa chevelure blonde. Il se remémora cette scène, où son sourire devint cruel pour éclabousser la terre de sang. Voilà qui était déjà plus supportable…

- Pourquoi ? Pourquoi as tu fait ça ? Tu...Je pensais que tu me détestais ? Pourquoi m'as tu protégée ?

Léandre fixa le sol humide et boueux, le sang s’était déjà dilué avec l’eau de pluie. Le jeune homme ne se sentait pas prêt à affronter le regard de Saki pas maintenant. Il se redressa péniblement, tout en massant légèrement son épaule droite. De toute façon, il n’aurait jamais avoué qu’il avait mal. Question d’orgueil. Qu’allait-il répondre à la jeune femme ? Pourquoi, en effet ? Il se posait la question, tout en ignorant la réponse qu’une petite voix dans sa tête s’amusait à répéter comme une comptine. Léandre échafauda en vitesse un bon mensonge qui tenait la route. Un prétexte parfait. Cependant il préféra rester muet.

Un silence de plomb s’installa, la seule chose qu’on entendait était le son des gouttes de pluie se répercuter sur le sol et sur les fenêtres. La symphonie des larmes de l’éther. Léandre s’approcha alors de Saki. Sans un sourire, son regard dur heurta le sien.

-Es tu encore capable de te lever pour rentrer chez toi ?demanda-t-il, la voix dénuée d’expression. Ce n’est pas très prudent de rester ici.

La jeune femme semblait l’interroger du regard. Les iris bleutés de Léandre dérivèrent sur une poubelle.

- Alexiel…n’aimerait pas te savoir dehors dans cet état, n’est ce pas ? dit-il pour se justifier.

Invité

Saki souria intérieurement. Enfin, sa douleur commençait à s'évacuer petit à petit. elle n'avait pratiquement plus mal. Cependant, ses blessures ne voulaient pas se refermer et elle se demanda bien pourquoi. D'habitude, même une blessure extrêmement grave guérissait entre cinq et di minutes. là, cela faisait bien un quart d'heure voir vingt minutes que Saki était assise sur le sol mais ça ne donnait rien. Rien ne voulait se guérir. Elle ne pouvait presque pas se servir de ses fonctions vitale et sa main gauche en très mauvais état n'était pas encourageant. Elle se mit tout de même à sourire. Elle était heureuse, pour une raison inconnue mais elle était heureuse. Parce que Léandre l'avait défendue face à cet homme. Parce qu'il ne la détestait pas. Parce que Alexiel allait bien. Parce qu'elle avait enfin ce qu'elle voulait. Parce que c'était la plus belle journée de sa vie malgré l'incident qui lui était arrivé. Elle ne parla pas, sachant que ce n'était pas le moment. Le jeune homme ne la regardait pas alors elle pouvait sourire de toutes ses forces. Elle pouvait sourire parce qu'elle était vraiment heureuse. Elle n'arrêtait pas de sourire et quelques petites larmes dégoulinèrent même de ses joues. Elle sentait un énorme sentiment heureux croitre dans sa poitrine et ça lui faisait presque mal.

-Es tu encore capable de te lever pour rentrer chez toi ?demanda-t-il, la voix dénuée d’expression. Ce n’est pas très prudent de rester ici.

Au moment il avait tourné les yeux vers elle, elle avait repris son attitude blasée. Elle le regarda quelques instants un peu étonnée et se demanda ce qu'elle devait répondre. Peut être oui ? Après tout elle aimerait être raccompagnée. Mais elle ne voulait pas aller chez elle. Il pleuvait et elle ne pouvait pas rentrer dans cet état. Elle se souvint alors qu'elle avait une maison dans le quartier, la chercha du regard et lorsqu'elle la vit désigna d'un signe de tête le petit appartement. Elle irait ici pour cette nuit et demain elle resterai probablement ici. Puisque de toute façon elle devait rester à moins de cinq kilomètre de Alex. Elle soupira mais il reprit la parole.

- Alexiel…n’aimerait pas te savoir dehors dans cet état, n’est ce pas ? dit-il pour se justifier.

Elle fut un peu énervée de cette remarque et en même temps elle en fut surprise. Elle n'avait pas pensé à ça. Quelle réaction aurait Alexiel quand il la verrait dans cet état. Elle se mordit la lèvre inférieur et fronça les sourcils mécontente. Elle se leva douloureusement et se mit à marcher en boitant vers son appartement. Il ne fallait pas qu'on la voit dans cet état. Mais...Léandre l'avait vu !
Elle se dirigea en boitant vers lui et le prit difficilement par le col. La sueur coulait sur son front à cause de ses efforts et elle marmonna avec difficultés:

- Ne...Ne lui dis rien...S'il te plait...

Elle le lâcha et se remit à marcher avec difficultés. Tout à coup, elle vit avec horreur sa veste tomber au sol. Elle ne put rien faire. Le vêtement glissa encore et encore et s'écroula au sol. Son épaule et sa main furent découverte et elle, alla s'écraser sur le mur prés d'elle sous la douleur. Son épaule saignait avec abondance et une énorme griffure luisait sur la peau de la jeune fille. La main quand a elle...Elle ne préférait pas se souvenir de son état. Saki ne dit rien, mais dos à Léandre, elle se remit à sourire et à boitiller jusqu'à son appartement. Elle s'arrêta quelques instants et se tourna vers lui.

- Bon... Tu raccompagne la jeune fille blessée ou tu reste là sous la pluie ?

Elle fronça de nouveau les sourcils et se remit à boitiller vers l'appartement. Son sourire revint et elle boitilla le sourire au lèvre et malgré le mauvais temps jusqu'à chez elle, plus heureuse que jamais.

Cette situation était complètement délirante. Comme d’habitude, le jeune homme se demandait s’il ne se trouvait pas au milieu d’un mauvais rêve. La façon dont il avait démoli ce type, cette indifférence et en même temps cet accès de colère soudain. Même son comportement lui échappait. L’important désormais, était de ne pas montrer ouvertement le trouble qui l’agitait. Saki était vraiment mal au point et l’abandonner sous la pluie, à la merci de n’importe quel abruti notoire n’était pas vraiment une bonne façon de montrer sa gratitude. Léandre se disait qu’il ne faisait pas ça pour elle, mais pour Alexiel. Cette pensée suffisait simplement à le rassurer, à justifier cet acte, ces paroles. La jeune femme désigna de la tête un appartement, un peu plus loin. Lorsqu’il évoqua Alexiel, son air blasé disparut complètement. La jeune femme devint pensive et agitée. Elle se releva péniblement, comme si chaque geste lui causait une douleur intense. Saki s’approcha du jeune homme en boitant pitoyablement, ce qui ne semblait pas émouvoir Léandre. Elle s’accrocha à son col, à peine capable de tenir debout. D’aussi près, ces blessures lui apparurent plus grave, plus profondes et plus sanglantes. En tout cas, elle était bien amochée...Qui avait pu s’acharner sur elle et rendre faible et inoffensif un vampire de son envergure ? La jeune femme parvenait difficilement à articuler :

- Ne...Ne lui dis rien...S'il te plait...

Saki abandonnait sa fierté pour cette ultime requête. Ne rien dire…Pour Alexiel. Il haussa légèrement un sourcil, la mine sombre. Léandre releva légèrement la tête, la proximité de Saki le mettait un peu mal à l’aise. Bien qu’également troublé par l’attachement qui liait Saki à Alexiel, il ne laissa rien paraître. Donc elle aimait le petit ange…Au moins elle ne lui causerait aucun mal. Ah ! Qui était la vraie Saki ? Le vampire sanguinaire et cruel, ou bien cette jeune femme qui s’inquiétait tant pour ce petit être fragile qu’était Alexiel ? Il n’obtiendrait probablement jamais la réponse. Léandre la jaugea du regard avant de céder en un soupir.

- …C’est d’accord. Je ne voudrais pas qu’il s’inquiète de toute façon.

Son ton indifférent sous-entendait : « tout ce que je fais, ce n’est pas pour toi, mais pour lui ». Il espérait qu’elle l’avait compris. La jeune femme lâcha aussitôt le col de sa chemise et boitilla lamentablement hors de la petite ruelle. La veste de Saki tomba, dévoilant à la lueur de la lune, ses cicatrices, ses lésions comme un millier d’insultes lancées à l’encontre de son corps parfait. Le nombre et la gravité de ses plaies le stupéfièrent. La personne qui avait fait cela, la surpassait en sauvagerie, sans aucun doute. Comment parvenait-elle encore à se déplacer ? Un sentiment étrange le chatouilla de l’intérieur. Ce n’était pas de la pitié quand même ? Il l’ignora, tout simplement.

- Bon... Tu raccompagne la jeune fille blessée ou tu reste là sous la pluie ?

Léandre avait la désagréable impression qu’elle se jouait de lui. Après tout il n’était pas le seul à savoir mentir. De toute façon, quoiqu’elle puisse dire, faire ou lui faire faire, il ne la pardonnerait pas. Le jeune homme en fit le serment. Il hésita à avancer pour lui apporter son aide. Et si elle le tentait de la manipuler ? Il prit le risque, le jeune homme avait de toute évidence la conviction qu’il n’était pas si influençable. Il garderait le contrôle. Et pourquoi ne pas jouer au jeu de l’arroseur arrosé ?
Sa chemise noire, trempée, lui collait à la peau. D’un geste, il replaca sa mèche qui troublait sa vision. En quelques pas il avait rattrapé la jeune femme. Elle n’irait pas très loin en boitant de cette façon. Il masqua son amusement par un faux soupir agacé, plutôt convaincant étant donné les circonstances.

- Tu es vraiment trop lente.

Sans lui demander son avis, il souleva la jeune blessée pour la prendre dans ses bras. De la même façon qu’il avait ramené Alexiel chez lui, la première fois qu’il l’avait rencontré. Léandre évitait soigneusement de regarder la jeune femme allongée dans ses bras. Son épaule droite lui faisait encore mal mais c’était encore supportable, quand il voyait l’état de Saki, il se réjouissait de ne pas être tombé sur ce « clochard ». Léandre regardait devant lui, droit comme un i. Il avança ainsi jusqu’à l’immeuble qu’elle avait désigné de la tête. Le jeune homme leva les yeux sur une fenêtre qui donnait sans doute sur un appartement. Sans un sourire et sans détour il lui demanda :

- Quel étage ?

Invité

Saki regarda sa main. ça la répugnait vraiment ce spectacle. Il serait probablement sans fin puisqu'elle n'arrivait plus à se guérir. Elle soupira longuement. vivre avec une chose pareil au quotidien serait probablement dur à vivre. Elle ne voulait pas entendre parler de ça pour le moment. Sa main était horrible et elle garderait ça à vie. elle se stoppa soudain se rendant compte d'une chose absolument terrible : même ambidextre, elle avait besoin de ses deux mains pour travailler et non d'une seule. Elle ne pourrait plus jamais pratiquer la médecine. Elle baissa la tête. Elle n'était pas énervée non. Pourtant, un sentiment étrange commença à naitre dans son coeur. Une profonde tristesse. Elle ne pourrai plus jamais s'occuper de patients. Ne pourrait plus jamais opérer. Elle ne pourrait plus faire ce métier qu'elle aimait tellement et qui lui prenait tant de temps. Elle aimait énormément son travail. Elle resta digne. Hors de question de craquer devant l'autre insensible. Quand bien même elle aurait craqué, il l'aurait ignoré. elle disait insensible mais en fait, elle avait bien ce qu'elle méritait. Elle devait faire un trait sur cet homme, aussi difficile ce serait, elle devait le faire. Pour elle, mais aussi pour Alexiel. Il n'aimerait pas la voir malheureuse et la voir être en conflit permanent avec Léandre.

- …C’est d’accord. Je ne voudrais pas qu’il s’inquiète de toute façon.

Rien d'étonnant de la part de Léandre. Elle haussa les épaules. Elle continua à marcher, son sourire revenu sur ses lèvres. L'oublier serait difficile si elle appréciait le fait d'être presque mortellement blessée et de marcher dans la nuit avec lui. Elle se retint de rire. La situation avait un côté comique qu'elle ne s'expliquait absolument pas. Si elle avait été en bonne santé elle aurait sûrement ri, cependant elle n'en avait absolument pas envie. Elle réfléchit à la vie qui allait être la sienne à présent et déglutit difficilement devant cette perspective peu avantageuse. Rire serait sa seule arme. Son sourire aussi en serait une. Pour dire "tout va bien" ou encore "ne t'inquiètes pas". Dans la glace elle se regarderait, se sourirai ou bien rirai et se lancerai au visage un "bonne journée encore !". Ce serait un vie de vampire en fin de compte. Elle ne sortirai que la nuit. Elle regarda les rayons du soleil percer. L'aurore déjà ? Elle n'avait même pas vu le temps passer. Le soleil vint caresser sa peau d'ivoire et elle se mit à briller.

- Bon courage ma vieille...marmonna t-elle.

Elle continua à marcher, regardant le feu sortir de la mer. Ce n'était pas très brûlant tout compte fait un soleil. Elle se souvenait avoir toujours eu mal aux yeux de son vivant en le regardant. tout compte fait, ce n'était pas si douloureux que ça. Elle souria de nouveau, son mode de vie était décidément très particulier. Elle vit un morceau de pizza trôner sur une poubelle et cela lui arracha une furieuse envie de vomir. Elle aurait bien recraché ses tripes sur le bitume, mais ce n'était pas digne d'une lady alors elle se contrôla.

- Tu es vraiment trop lente.

Saki allait protester, amusée malgré elle, mais elle se sentit soudain soulevée de terre par les bras de Léandre. Elle resta silencieuse, un peu étonnée de son comportement. Elle haussa un sourcil en le regardant - sa gêne étant complètement passée - et lui jeta un regard interrogateur. Celui-ci l'ignora royalement et se contenta de lui dire d'un ton peu avenant:

- Quel étage ?

Saki lui indiqua le troisième étage et lui désigna l'ascenseur près d'eux. Léandre la conduisit là-bas et elle appuya maladroitement sur le bouton "3" en grognant un peu de douleur. Un silence germa alors dans l'habitacle. Saki ne chercha même pas à entamer la conversation, sachant qu'elle serait de toute façon inutile. Une petite musique d'ascenseur s'éleva alors et la jeune fille ne put s'empêcher de pouffer de rire. La situation était de plus en plus grotesque. Il ne manquerait plus que l'ascenseur se bloque et ce serait le pompon. Heureusement, l'engin atteint son but et un bruit retentit pour signifier que le trajet - court - était parcouru. Saki descendit avec souplesse des bras de Léandre et se dirigea en claudiquant à la porte. Elle ouvrit et entra, laissant à Léandre le choix d'entrer ou de partir. Elle se contenta simplement de murmurer:

- Toi aussi tu es bizarre...Je ne te comprend pas...

Saki entra dans son appartement et alla prendre place dans son canapé. S'asseoir dans un endroit confortable était vraiment bien. Elle soupira de soulagement et regarda le plafond. C'était un grand appartement, vide, banal. C'était le tout premier qu'elle avait acheté. Il lui avait semblé qu'il était plus petit avec son bazar. Là, elle se trouvait minuscule dans cet unique canapé. Pas une télé, un bar avec un frigo - sans nourriture - et un distributeur de glaçon - sans glaçons. Les papiers peints étaient banals, tout à fait ordinaires. Beiges, blancs, gris. Rien d'autre. Son regard se perdit dans le vague et dans les nuages qui étaient au plafond. Un chat s'approcha d'elle et vint se lover sur ses genoux. Elle se souvenait bien de lui. Noir, le poil brillant et les yeux jaunes. Elle se souvenait qu'Hidéki avait voulu s'en faire un compagnon de jeu. elle avait refusé. Elle murmura doucement:

- Salut toi...ça fait longtemps...Toujours aussi mort à ce que je vois...

En effet, ce chat aussi était un vampire. Et il devait forcement appartenir à quelqu'un ou du moins il avait dut appartenir à quelqu'un. La question que s'était posé Saki alors c'était : qui est-ce ?

Le ciel abandonnait lentement son manteau étoilé pour des nuances de plus en plus claires. Le temps s’écoule tellement vite, Léandre ne s’en était même pas rendu compte. Il faudrait songer à dormir de temps en temps… Mais bon, en tant que « découcheur professionnel » cela ne lui posait pas de problème. Les premiers rayons du soleil transpercèrent ce qui restait de l’obscurité matinale. Le jeune homme pu apercevoir la peau de Saki briller, comme si elle était recouverte de paillettes. C’était assez surprenant, au départ il avait cru à une illusion d’optique mais non, il ne rêvait pas. Sa peau émettait une faible clarté, lorsque qu’elle était exposée aux rayons du soleil. Sans doute un truc de vampire, songea-t-il. Heureusement que les rues à cette heure étaient suffisamment déserte. Comment aurait réagi un être humain normal en la voyant ? Il préférait ne pas y penser.

Léandre la suivait, sans trop réfléchir. Mais qu’est ce qu’il était en train de faire là au juste ? Lui obéir comme ça…Le jeune homme ravala sa fierté en se disant qu’il le faisait plus pour Alexiel…Néanmoins il n’en était pas entièrement convaincu. Il devait avant tout rester calme et prendre les choses en main. Ce qu’il fit. Une fois arrivés devant l’immeuble, elle désigna le troisième étage. Ils s’engouffrèrent tous les deux dans le cagibi qu’était l’ascenseur. Saki pressa le bouton et grimaça de douleur. La faible lumière émise dans l’habitacle lui permit d’observer d’avantage les plaies du vampire. Une de ses mains était complètement écorchée…Peut-être que sa capacité de guérison avait des limites, à moins qu’elle ne soit devenue très lente. Leur mutisme fit régner un silence de plomb durant le court trajet jusqu’au troisième étage. Les deux portes métalliques s’ouvrirent dans un « ting » familier et un peu ridicule étant donné la tension qui planait dans cet espace exigu. Les lèvres closes, il n’accordait aucun regard à Saki. Par orgueil, pas entêtement et par prudence.

Léandre laissa la jeune femme glisser de ses bras pour boitiller jusqu’à la porte de son appartement. Elle semblait un peu plus vive que tout à l’heure, décidemment les vampires étaient increvables : il fallait se faire une raison. Il la suivit, ses deux mains fourrées dans ses poches, la mine sombre. Saki entra, l’abandonnant sur le seuil et sur ces mots :

- Toi aussi tu es bizarre...Je ne te comprends pas...

Bizarre ? Mais c’est Judas qui crie : « traître » ! Léandre s’immobilisa, les sourcils froncés et serra les poings. Il ne pouvait plus supporter cette situation. Cette vaste comédie ne le faisait plus rire ! Il lança un regard haineux à la jeune femme qui lui tournait le dos, non loin d’un canapé tout à fait ordinaire. Léandre en avait marre, il avait beau faire ce qu’il pouvait pour l’ignorer, le nier, lutter ; c’était vain. Perdu d’avance. Automatiquement sa respiration s’accéléra. Sa carapace d’indifférence se fendillait de toutes parts. L’explosion serait imminente et violente. Le jeune homme fut submergé par une colère dévastatrice envers Saki, le monde entier et lui-même. Ces faiblesses, ces mystères…Il ne les supportait plus. Malheureusement il n’était pas dénué de cœur, bien qu’il aurait préféré cette situation. Et Saki, elle se tenait là, l’air de rien, se jouait de lui comme d’une marionnette, tourmentait sa raison par ses actes contradictoires, son sourire, ses yeux, ses mots. Alors quand elle disait qu’elle le trouvait bizarre ! Cela réveillait un feu ardent dans l’esprit de Léandre.

* Je dois y mettre un terme maintenant*

De toute façon, c’était en grande partie de sa faute. Plus il la regardait, plus il la haïssait. Ou quelque chose qui y ressemblait. Léandre était complètement désemparé et il ne pouvait plus tolérer cette situation. Dans un élan de fureur, il se jeta sur la jeune femme, sans vraiment trop réfléchir à ce qu’il faisait. La scène ne dura que quelques secondes, ce fut largement suffisant pour faire basculer la jeune femme sur le canapé en lui maintenant les poignets. Il savait très bien qu’elle était affaiblie, et c’était sans doute grâce à ça qu’il pouvait espérer conserver un avantage sur elle. Il ignora la peau froide sous ses doigts et plongea ses iris furieux dans les yeux métalliques de Saki. La proximité enflamma d’avantage sa colère, c’était trop tard pour retourner en arrière. Maintenant il fallait laisser la bombe exploser tranquillement Il criait presque.

- Quand vas-tu enfin cesser ce petit jeu ? Ca t’amuse c’est ça ?? Semer le chaos partout où tu passes ! Me torturer de cette façon …Quelle partie de toi est la vraie ? Tu fais tout pour créer la confusion ! Je te déteste…je te déteste…

Il psalmodiait ces dernières paroles comme pour s’en convaincre à nouveau.Tout se mélangeait, tempêtait dans son crâne. Il n’en pouvait plus de tout refouler sans cesse. D’être tiraillé entre haine et attraction, sans aucun vainqueur. C’était malsain et ca le tuait à petit feu. Elle le tuait, morceau par morceau. Si seulement tout pouvait être plus clair, si seulement Saki pouvait le haïr ! Oh oui, tout serait tellement plus simple ! Il allait s’arranger pour qu’elle le haïsse…Son visage fut éclairé d’un sourire malsain. Il approcha son visage du sien et lui susurra à l’oreille d’une voix veloutée.

- Alors dis-moi… Qu’est ce ca fait d’être aussi chétive et pitoyable que ces humains que tu écrases comme des insectes ?

Il serra les poignets de la jeune femme. Ce qu’il faisait n’était pas très honorable, mais c’était justifié. Il voulait enflammer la colère de Saki. La seule échappatoire qu’il voyait c’était que soit il la tuait, soit elle le tuait. Pas très réjouissant comme perspective, mais au moins, ca mettrait fin à son calvaire. Il lui souffla dans le cou, c’était beaucoup trop tentant pour qu’il ne puisse y résister. Les genoux entre la taille de la jeune femme, il songea même au viol. Elle le détesterait à coup sûr ! Mais bon cette option, il ne l’utiliserait comme dernier recours. Il lui murmura d’autres paroles :

- Tu aurais du me tuer quand tu en avais l’occasion. Pourquoi m’avoir épargné, je ne suis qu’un insecte comme les autres après tout.

Ce point restait toujours obscur et il avait rêvé de l’aborder. Il effleura le cou de Saki du bout des lèvres et resserra sa prise autour des poignets de la jeune femme. Il voulait qu’elle ait mal, qu’elle souffre. Il voulait qu’elle le haïsse, comme tous les autres, et qu’elle révèle de nouveau le monstre qui existait en elle. Pour qu’il puisse enfin être soulagé de ce fardeau, de cette attirance indéniable qui le rendait fou. Pour se débarasser de ce doux visage qui le hantait et des remords qu'il éprouvait à ce sujet.

Invité

Saki regarda longuement son plafond. Beaucoup de souvenirs étaient liés à cette pièce. Elle regarda les alentours. Un flash apparut devant elle. Du sang apparut sur le plafond puis disparut. C'était vraiment incroyable qu'elle ai ce genre de vision encore aujourd'hui. Un homme apparu en un flash près d'elle et tourna la tête pour la regarder mais elle chassa l'esprit d'un revers de main et il disparut. Pourquoi était elle venue habiter ici ? Pour protéger Alexiel. Elle devait donc faire preuve de courage non ? Si. Elle détailla le meuble qui était devant elle. Blanc, en marbre, abritant quantité de choses plus étranges les unes que les autres se rappela t-elle. Elle avait entreposé là ses souvenirs de France. On pouvait donc y trouver sa robe de fête dans le premier placard à droite. C'était une robe tout à fait classique. En lin et avec quelques rubans. Elle était blanche. Saki se souvint alors qu'elle avait des gants et des chaussures allant avec cette robe. Elle ne les avaient plus jamais remis depuis...ce jour là. Elle se demanda si ce n'était pas l'occasion de repasser cette vieille robe. Ce s'était agréable de revivre des souvenirs enfouit. Oui...Sûrement très agréable même. Elle reporta alors son regard sur Léandre et eu à peine le temps de voir celui-ci lui bondir dessus et la plaquer contre le canapé en lui tenant les poignets. Leur proximité la fit un peu rougir et elle détourna brusquement le regard. Pourtant, les yeux inquisiteurs de Léandre ne la laissèrent pas en reste. Il étaient brûlant et elle ne put que replonger ses yeux dans les siens. Elle sentait presque le feu la consumer de l'intérieur, c'était affolant.

- Quand vas-tu enfin
cesser ce petit jeu ? Ca t’amuse c’est ça ?? Semer le chaos partout où
tu passes ! Me torturer de cette façon …Quelle partie de toi est la
vraie ? Tu fais tout pour créer la confusion ! Je te déteste…je te
déteste…

Le torturer ? Ainsi elle était donc capable de faire ça ? Elle n'en soupçonnait rien. Elle ignorait même qu'elle le torturait. Et puis une petite voix vint lui souffler sournoisement à l'oreille pour ne pas lui faire oublier ses fautes "en réalité tu as toujours su que tu torturait son coeur n'est ce pas ?". Elle le regarda et son regard changea. Il avait l'air de souffrir même en la haïssant. Elle ne le prenait pas en pitié non, mais elle était triste pour lui. Il lui transmettait sa douleur via le contact de leurs corps. Elle vit dans son regard quelques chose d'inquiétant. Il avait quelques chose derrière la tête elle avait la désagréable impression d'avoir déjà vu ce regard.

- Alors dis-moi… Qu’est ce ca fait d’être aussi chétive et pitoyable que ces humains que tu écrases comme des insectes ?

Un cri de douleur franchit les lèvres de la jeune femme. Sa main la brûlait et à présent, le regard de Léandre aurait pu être effrayant. Saki se rendit alors compte qu'elle était réellement effrayée et se souvint tout à coup de cette situation. Elle se souvint de se regard rempli de désir mêlé de haine. C'était celui de...C'était celui de l'homme saoul qui avait tenté de la violer en profitant de sa faiblesse. Elle fronça les sourcils. Elle comprenait mal ce manège grotesque mais en tout cas elle ne se laisserait pas faire. Elle réfléchit. En même temps de renfermer une colère, il contenait aussi un certain désordre intérieur. Si elle arrivait à le déstabiliser ce serait sa chance. elle se demanda si ça allait fonctionner. En tout cas, ce n'était pas en la faisant souffrir qu'il la mettrait en colère, bien au contraire. Elle avait trop souffert pour s'énerver contre cela. Elle se mit donc à sourire.. C'était très agréable de l'énerver et même très amusant. Elle ne broncha pas lorsqu'il resserra sa prise et sourit même encore plus. Elle ouvrit les yeux qu'elle avait laissés fermés jusqu'à présent et une expression narquoise se lisait sur son visage. Elle se moquait ouvertement de lui. Si il était énervé, il serait plus difficile de le déstabiliser. Elle allait balancer la phrase qui ferait tout basculer et en rajouterait encore pour la suite. Elle sentit quelques chose prendre son cerveau. Ce sentiment de le vouloir pour elle était donc revenu ? elle voulait se nourrir de son sang, pas s'en repaitre, juste le boire. Elle allait le marquer et le boire. Ah il voulait l'énerver ? Il allait être servi.

- Eh bien figure toi que c'est assez agréable en fait...J'ai l'impression d'être un cafard moi aussi ! Comme ça on se parle enfin d'égal à égal...

Elle vit le visage de Léandre se tordre de colère. C'était vraiment très amusant de le voir dans tout ses états. Elle allait en rajouter une couche. Il allait être servi. Elle failli éclater de rire mais se retint, ne voulant pas le voir se mettre dans une rage folle non plus. Elle continua de sourire sournoisement et attendit qu'il prenne la parole pour tartiner son pain de confiture. Pas une confiture toute douce et agréable non. Ces confitures délicieuses mais affreusement collante et qui ne vous lâche qu'après une nettoyage au savon. Elle fronça les sourcils en continuant de sourire. Plus qu'une goutte et le vase allait rendre l'âme, elle en mettait sa main à couper. Elle rit intérieurement. Si on lui avait dit qu'elle ferait autant de bêtises et de stupidités pour un être humain, elle n'y aurait jamais cru.

- Tu aurais du me tuer
quand tu en avais l’occasion. Pourquoi m’avoir épargné, je ne suis
qu’un insecte comme les autres après tout.

C'était bon ! Il était à l'apogée de sa colère et c'était le moment de frapper. Saki passa sa lange sur ses lèvres avec un air séduisant et regarda le jeune homme dans les yeux. D'abord, mettre l'appât dans le miel, ensuite le placer dans la toile de l'araignée et attendre. Elle sentit les lèvres de Léandre effleurer son cou et lorsqu'il revint placer ses pupilles bleutées dans l'argent liquide de ses yeux, elle frappa. Rapide, l'araignée s'était jetée sur sa proie et comptait bien la garder pour elle.

- je ne t'ai pas tué car tu m'appartiens...Tu es MON insecte ! Et d'ailleurs...Tu es condamnée à être mien...

Elle fut très rapide. Elle retourna Léandre, il était rouge de colère bien évidement. A son tour, elle l'immobilisa sur le canapé avec une force qu'elle ne se connaissait pas. Elle lui souria d'un air goguenard de nouveau et repassa sa langue sur ses lèvres. Comme si elle s'apprêtait à le dévorer. Pourtant ce n'était pas ce qu'elle allait faire, ce serait beaucoup plus amusant de le soumettre à sa volonté n'est ce pas ? Oui. Bien sur que ce serait mieux.

- Tu voulais m'énerver n'est ce pas ? Perdu...Léandre-chan...

Elle sortit de sa poche le pinceau et le trempa dans son sang qui gouttait toujours. Elle traça rapidement les très sur la gorge de Léandre, celui-ci regardant la marque commencer à fumer. L'inscription s'encra dans la peau du jeune homme et Saki en profita pour approcher son visage de celui de Léandre. Il avait agit ainsi en sachant ce qui l'attendait ou pas ? Elle se le demandait parfois pourquoi il agissait ainsi. Elle regarda le cou de Léandre. Il était à elle maintenant alors pourquoi en pas en profiter. Elle souria à son bien et approcha sa bouche de son cou. Elle embrassa celui-ci puis le mordilla et finalement, planta ses dents dans la douce chaire du jeune homme. Un bien être intense la parcouru. Elle fut soudain envahie par un étonnement énorme. Elle était en train de guérir ! Le sang de Léandre était en train de la guérir ! Elle ferma les yeux puis s'arrêta. Elle n'en avait pas pris assez pour qu'il s'évanouisse et pourtant elle était totalement guérie à présent. Elle couru dans la pièce. Elle avait recouvré l'ensemble de ses capacités motrices ! C'était incroyable. Elle eu soudain un flash. C'était la voix de Gabriel.

"Le premier humain auquel tu boiras le sang sera ton réservoir à vie. Si tu ne peux plus boire son sang, tes blessures se rouvriront et tu seras condamnée à ramper pour l'éternité"

Saki souria. Tout compte fait, ce n'était pas plus mal qu'elle ai marqué Léandre. Elle le regarda, assise sur lui. C'était très agréable de finalement se retrouver dans cette position alors qu'il la dominait quelques minutes auparavant. Elle lui sourit tendrement. Des deux Saki d'avant, une nouvelle Saki était née et celle-ci, Saki ne la laisserait pas partir. C'était une femme vampire, elle aimait Alexiel et Léandre était à elle. C'était un existence parfaite et elle ne pouvait pas rêver mieux. Maintenant la question était "comment se réconcilier avec lui?" Elle en avait assez de cette guerre perpétuelle entre eux. Elle réfléchit puis décida de lui balancer une vanne puisque c'était ce qu'elle aimait le mieux lui faire : l'énerver. Un sourire au lèvres, elle parla:

- Alors ? ça fait quoi d'être un insecte ?

Etrangement, Léandre s’était attendu à d’avantage de résistance de sa part. Quoiqu’il en soit il se devait de poursuivre, de faire son possible pour provoquer sa haine, quitte à commettre des actes irréparables. Alors qu’il serrait l’étau de ses mains autour de ses poignets, elle ne paraissait pas en souffrir, au contraire, elle arborait ce sourire insolent qui enflammait d’autant plus sa colère. Ne cesserait-elle jamais de se moquer de lui ? Pourquoi ne voulait-elle pas comprendre ? Elle le défiait, le testait, sans arrêt. Elle le poussait sans cesse dans ses retranchements, l’effrayait presque et l’aguichait sans vraiment le savoir.

- Eh bien figure toi que c'est assez agréable en fait...J'ai l'impression d'être un cafard moi aussi ! Comme ça on se parle enfin d'égal à égal...

C’était vraiment si drôle de se moquer de lui et de sa détresse. Le jeune homme espérait qu’au moins elle en éprouvait un sentiment particulièrement jouissif. Léandre serra les dents, sa remarque heurtant bien entendu son ego démesuré. Qu’est ce qu’elle était en train de faire ? Saki lui prouvait qu’il ne l’inquiétait pas le moins du monde. Ne serait-il donc jamais à la hauteur ? Ses doigts se crispèrent de colère sur cette peau sans défauts. Elle le provoquait, pour le mettre hors de lui, mais dans quel but si ce n’est son divertissement personnel ? Aucun doute elle s’amusait…C’était purement abject. Léandre avait envie de la frapper, mais relâcher prise serait lui offrir une trop belle occasion. Si un regard pouvait tuer, il ressemblerait assez au regard noir que lançait le jeune homme à Saki. Néanmoins il réprima ses pulsions purement violentes pour susurrer d’autres paroles à l’oreille de la jeune femme. Ses cheveux blonds lui effleuraient le visage et ses lèvres entrèrent en contact avec la peau fine de son cou, comme un avertissement pour un acte beaucoup moins innocent.
Quand il se redressa, les yeux gris de Saki brûlaient d’une lueur perverse inquiétante. Cependant Léandre était de nouveau trop aveuglé par sa colère pour y prêter une quelconque attention.

-Je ne t'ai pas tué car tu m'appartiens...Tu es MON insecte ! Et d'ailleurs...Tu es condamnée à être mien...

Son insecte ? Il ne se considérait pas comme un vulgaire animal de compagnie. Les lèvres du jeune homme dessinèrent un rictus méprisant. Comme si elle pouvait le posséder, comme un simple objet. C’était ridicule. Même en avouant que la jeune femme le troublait, l’attirait comme un papillon vers une lumière funeste, Léandre était convaincu qu’il n’appartiendrait jamais à personne.

- Ca m'étonnerait, je ne t'appartiendrais jamais !

Ce court instant d’inattention lui fut fatal. Saki, soudainement animée d’une force surprenante, parvint à le retourner et à l’immobiliser sur le canapé. Son épaule lui arracha une légère grimace de douleur.

-Tu voulais m'énerver n'est ce pas ? Perdu...Léandre-chan...

Donc elle avait tout compris depuis le début ? Etonnamment Saki était parvenue à retourner la situation à son avantage. De toute évidence Léandre n’aurait jamais aucune chance de l’égaler. Son stratagème était voué à l’échec, et maintenant, il devait le reconnaître, il était à sa merci. Cette perspective était loin de le réjouir, déjà suffisamment blessé dans son égo. Il s’agita, vainement. Le jeune homme se fit une raison et observa la jeune femme sortir un pinceau. Qu’était-elle sur le point de faire ? Elle s’approcha et dessina quelque chose sur son cou, à l’aide de son sang. Une brûlure atroce enflamma la peau très fine à cet endroit. Il s’agita d’avantage et poussa un cri de douleur, les yeux clos. C’était particulièrement douloureux, comme si on le marquait au fer chaud. Bon sang, qu’est ce que c’était. Une deuxième sensation vint compléter le première, il sentit un baiser glacé. Léandre ouvrit les paupières. Saki était pratiquement allongée sur lui. Le souffle court, tiraillé par le sentiment de douleur d’un côté et le frisson de l’autre, Léandre était complètement désemparé. Les deux piqûres tant attendues se firent sentir. Il éprouva un nouveau frisson, c’était comme si une ondulation parcourait l’ensemble de son corps. Un peu apaisé par cette sensation de douceur glacée, le jeune homme clôt ses paupières. Un vertige. Le tourbillon perdait de la vitesse, il se sentait comme enveloppé dans du coton. Après un moment, il ouvrit de nouveaux les yeux. Saki était différente, elle semblait mieux. Il constata que ses blessures étaient entièrement guéries. Un peu las, il songea que son sang devait en être la cause.

-Alors ? ça fait quoi d'être un insecte ?

Il plaqua sa main contre son cou et ressentit à nouveau une légère douleur. Il poussa un gémissement. Ce geste semblait lui couter des efforts considérables. Il tenta d’agiter les jambes mais ces dernières refusèrent d’esquisser un mouvement. Léandre se sentait bien mais apparemment la ponction de Saki lui avait laissé quelques séquelles. Le jeune homme essaya de relever la tête, mais éprouvant un vertige, fut forcé de rester parfaitement à l’horizontale.
Il poussa un soupir agacé. Il ne se sentait pas assez fort pour se délivrer d’une Saki en pleine forme , en tout cas pas de lui-même. Et il avait encore moins de courage pour lui lancer une réplique cinglante.

-Qu’est ce que c’est…Qu’est ce que tu m’as fait ? Pourquoi ?

La douleur commençait à s'atténuer progressivement. Le jeune homme fut pris d'un doute. Et si avec ce dessin, elle avait également scellé son destin ? Non c'était impossible...Quel intérêt aurait-elle eu à faire ça de toute façon ?

Invité

Saki plongea alors dans un merveilleux sentiment complètement différent de ce qu'elle avait ressentit auparavant. Elle savait ce qui se produisait bien sur car elle souffrait en même temps que Léandre. Il était devenu sa chose mais elle même était devenue son pantin. Alors qu'il se tordait de douleur, elle réprima sa douleur au plus profond d'elle même. Haïr, souffrir, mourir, revivre, émerger, replonger, pleurer. Elle fut plongée dans une profonde léthargie et son monde changea.
elle se retrouva face à face avec son double. Celui-ci avait un sourire tordu sur le visage. Il s'approcha d'elle en riant sadiquement et lui saisit le menton murmurant quelques paroles qu'un humain ne pouvait comprendre. Saki resta de marbre. Elle avait déjà subit cela en s'imprégnant d'un humain. C'était la deuxième fois exactement. La première fois, le sujet était mort pendant l'expérience. A l'époque, elle était en pleine déprime et avait projeté sa colère contre le sujet. Cette fois, elle vit la porte s'ouvrir devant elle, les bras visqueux lui saisir les bras puis la tirer à travers la porte avec une douceur et une tendresse étrange. La jeune femme se lova au creux de ces bras et elle ouvrit doucement les yeux. Elle n'avait pas bougé et ce qu'elle avait cru durer plusieurs heures avait duré en fait quelques secondes. Elle regarda Léandre et une phrase claqua dans son esprit:

- Ca m'étonnerait, je ne t'appartiendrais jamais !

Pauvre innocent. Il ne savait pas qu'il était déjà à elle en ce moment. Elle le vit ouvrir péniblement les yeux. On aurait dit un cadavre qui se réveillait. Elle devrait lui trouver de la nourriture d'ailleurs. Son régime alimentaire allait forcement changer vu qu'elle venait de l'imprégner. Il prenait une partie de ses pouvoirs, normal. Il serait certainement moins fort qu'elle, mais il pourrait à coup sur dépasser un vampire moyen. Elle le regarda. Elle devait aussi lui dire tout ce que ça impliquait d'être imprégné à un vampire. Un sourire s'étala sur son visage. Il allait la détester pour de bon cette fois.

-Qu’est ce que c’est…Qu’est ce que tu m’as fait ? Pourquoi ?

Un sourire plus grand vint trouver sa place sur le visage de Saki. Elle le fixa. Dans quelques minutes il pourrait bouger et là ce serait vraiment amusant. Elle s'approcha de lui avec des gestes mesurés et des mimiques félines. Elle s'assit sur ses genoux, sachant pertinemment que pour le moment, il ne pouvait esquisser un seul mouvement. Elle approcha son visage de l'oreille de Léandre et murmura d'une voix douce et chaude:

- Je t'ai imprégné...Je t'avais dit que tu serais à moi Léandre...

Elle redevint tout de même sérieuse et se mit à lui expliquer ce en quoi consistait l'imprégnation. Elle se mit à raconter comment en 1800 et quelques, elle avait découvert cette technique particulièrement intéressante. Elle expliqua qu'elle était alors une jeune vampire qui avait soif de connaissances et d'expériences nouvelle. L'imprégnation. Un mot rarement employé par les vampires. Elle savait - pour avoir déjà côtoyé (une fois) d'autres gens de sa race - que cette pratique était interdite et que la plupart des vampires étaient morts. L'un de ceux qui avait réussi cette expérience avait discuté avec elle. Elle avait parlé longuement avec cet Aron. Il lui avait alors apprit avec énormément de détails comment faire et aujourd'hui elle en était capable. L'imprégnation se produisait lorsqu'un vampire aimait particulièrement le sang d'un humain. Il pouvait alors lui poser sa marque et partager avec lui ses pouvoirs et sa vie. Saki n'avait jamais vraiment aimé l'idée, mais pour Léandre elle pouvait faire une exception. Elle continua à lui expliquer. Maintenant qu'elle s'était imprégné de lui, leurs vies seraient en quelques sortes liées. Si il souffrait elle souffrait, si elle mourrait, il mourrait...etc...Elle pouvait le délivrer, mais c'était très long et très désagréable. De plus, ils ne pourraient pas être éloignés de plus de cinq kilomètres (comme avec la marque normale).

- ah oui...Le meilleur pour la fin ! Comme nous partageons tout, tu as hérité d'une petite partie de mes pouvoirs. Tu peux donc courir plus vite, ta force est plus grande, l'ouïe...etc. Et aussi tu ne peux pas mourir d'une autre main que la mienne...

Saki lui fit un grand sourire après avoir terminé. Alors ? Etait il dégouté ? Si oui, taper 3 ! Elle secoua la tête. Encore en train de faire des blagues pourries. Elle le regarda. Il devait vraiment lui en vouloir maintenant et elle se demanda si leur collaboration se passerait comme prévu. De plus, elle avait besoin de boire son sang pour vivre. C'était aussi la raison pour laquelle elle ne regrettait pas de l'avoir imprégné. Elle haussa les épaules, pensant que de toute façon, c'était soi accepter son sort soi...Accepter son sort. Elle était toujours assise sur ses genoux et les yeux exorbités de Léandre la fixait. C'était très drôle de le voir dans tous ses états.

- Ah ! J'ai failli oublier ! Tu ne pourras plus manger que des sucres dans de l'eau, de la viande cuite ou crue. Tu pourras manger de temps en temps des gâteaux et un peu de chocolat. La nourriture normale va te faire vomir...

Pour confirmer ses dires, elle fourra des frites dans le gosier de Léandre pour lui montrer à quel point il serait dégouté des aliments. Il avala les frites mais une moue dégoutée se lu sur son visage. Elle sourit. Elle pensa aussi qu'elle devrait l'entraîner. Elle ne prendrai pas longtemps bien sur car Léandre savait très bien magner les armes. Elle devrait cependant lui apprendre à se contrôler en présence de chaire humaine (car ça affolerait ses sens étant de la viande crue) et développer sa nouvelle morphologie. Entre autre ses yeux, ses oreilles et son odorat. Elle sourit. Ce serait à coup sur amusant. Elle devrait cependant le surveiller. Maintenant, le plus dur serait de lui faire accepter la vérité et surtout qu'il ne soit plus fâché après elle. Au moins, elle pourrait les protéger tous les deux et ne plus craindre pour Léandre lorsqu'elle protégeait Alexiel. Ils seraient deux et c'était un compagnon à ne pas négliger.

- Rassures toi...Je ne compte pas faire de toi mon chien tu sais...

Un sourire doux se dessina sur son visage. Elle aimait vraiment le visage de Léandre et ce qui se cachait derrière. Elle se pencha vers lui et colla sa joue contre celle du jeune homme. La sienne était chaude. Elle sentait sa peau froide lui hérisser les poils et lui prodiguer des frissons. Elle le regarda dans les yeux et se pencha vers lui. Elle avait pourtant promis de ne plus céder, mais devant ces friandises si appétissantes, comment se retenir? Elle emprisonna les lèvres de Léandre tendrement, comme elle aimait le faire puis se détacha lentement. Elle se leva et se dirigea vers une chaise qu'elle saisit et qu'elle mit devant la canapé. Elle s'assit dessus et regarda Léandre. Elle pensa alors:

- Excuse moi...

Qu’est ce qui lui avait pris de venir jusque là et d’agir ainsi ? En fin de compte il n’aurait pas du lui porter secours ! C’était ce qu’il pensait avec amertume. A moitié dans les vapes, il poussa un soupir. Ces derniers jours il faisait vraiment n’importe quoi. Ne serait-il donc jamais délivré de son influence. Apparemment le jeune homme devrait la supporter encore un bon moment, s’il savait…Toujours incapable de se mouvoir, la jeune femme vint prendre place sur ses genoux en souriant. C’était stupide, oui bon, elle avait gagné encore cette fois. C’était pour ça qu’elle jubilait intérieurement ? Tout comme il l’avait fait un peu plus tôt, se fut à son tour de lui murmure quelque chose à l’oreille d’une voix suave :

- Je t'ai imprégné...Je t'avais dit que tu serais à moi Léandre...

- Qu’est ce que ca veut dire ?

Léandre était peut-être dans un état second physiquement mais ses capacités mentales étaient encore actives. Qu’est ce qu’elle venait de lui faire en lui appliquant ce tatouage sur sa peau. En tout cas c’était loin d’être ordinaire, un tatouage n’est pas sensé brûler de cette façon… Il commençait à appréhender sa réponse, vue la manière assurée qu’elle avait à proclamer qu’il lui appartenait. Saki commença alors un long récit pour lui expliquer ce que c’était l’imprégnation. Le jeune homme écarquilla les yeux de surprise et d’horreur. En temps normal sa première réaction aurait été de dire « C’est une plaisanterie n’est ce pas ? ». Cependant il savait que malheureusement, la jeune femme lui disait la vérité. Elle ne pouvait pas mentir sur un truc aussi sérieux. Bien que frappé d’horreur, il comprit que dans l’ensemble, elle s’était liée à lui et que désormais, il possédait une partie de ses pouvoirs. En contrepartie, la distance qui les séparait ne pouvait pas atteindre plus de 5 kilomètres. Leurs destins étaient également liés. Si elle mourrait, il mourrait donc aucune chance de salut de ce côté-là. Subitement il eut envie de la gifler pour lui ôter ce sourire de ce visage. Si seulement il avait été capable de lever la main…

- ah oui...Le meilleur pour la fin ! Comme nous partageons tout, tu as hérité d'une petite partie de mes pouvoirs. Tu peux donc courir plus vite, ta force est plus grande, l'ouïe...etc. Et aussi tu ne peux pas mourir d'une autre main que la mienne...

Léandre resta interdit. Les seuls qui auraient pu franchir ses lèvres à cet instant auraient été vains. C’était tout simplement affreux. Tragique. Comment allait-il faire ? Il devait quitter City demain matin ! Le jeune homme eut l’impression de recevoir un baril de reptiles glacés sur la tête, ces serpents mêmes qui s’amusaient à le mordre et à l’étouffer. Il parvint tout juste à balbutier, en désespoir de cause :

- C’est…c’est…impossible…

Mais Saki n’en avait pas encore terminé avec les bonnes nouvelles.

- Ah ! J'ai failli oublier ! Tu ne pourras plus manger que des sucres dans de l'eau, de la viande cuite ou crue. Tu pourras manger de temps en temps des gâteaux et un peu de chocolat. La nourriture normale va te faire vomir...

Pour illustrer ses propos, elle lui fourra des frites (sorties d’on-ne sait où) dans la gorge. Tout en lui lançant un regard furieux, il entreprit de mâcher l’aliment. Contre toute attente, ca n’avait pas un goût de pommes de terre frites. Cela ressemblait d’avantage à de la terre, de la poussière ou de la cendre. Ou bien les trois en même temps. Le jeune homme afficha une mine dégoutée mais avala la nourriture. Ca avait vraiment un goût infâme…Beurk. Des fourmillements commencèrent à parcourir ses membres. C’était la seule consolation, il pourrait bientôt bouger sans risquer de tomber dans les pommes. Face à ces révélations, Léandre ne savait qu’elle attitude adoptée. Son éventail d’action était déjà réduit vu sa faible capacité à se mouvoir. Mais une question restait en suspens. Son départ, comment allait-il faire ? Saki n’aurait aucune pitié à son égard. Et pourtant, c’était son travail, sa famille, les seules personnes qu’il aimait plus que lui-même…Léandre était incapable de les abandonner.

- Rassures toi...Je ne compte pas faire de toi mon chien tu sais...

Bien sûr, il ne manquerait plus qu’elle l’attache avec une laisse…Elle avait vraiment réussi son coup, elle pouvait en être fière. Mais même s’il était incapable de faire quoi que ce soit pour l’instant, il comptait bien lui faire payer. Et puis il ne se laisserait pas faire ! Le jeune homme voulut se redresser pour lui lancer un regard furibond. Saki choisit ce moment précis pour coller sa joue contre la sienne. Léandre fut coupé dans son élan. Il sentait la peau glacée de Saki contre la sienne. Son contact provoqua de nouveau ce frisson délicieux qui apaisa sa haine. C’était sa faiblesse. Comment arrivait-elle à créer cette sensation incomparable ? Saki releva la tête et leur regard ce rencontrèrent. Les iris céruléen du jeune homme se plongèrent dans l’éclat argenté des yeux de la jeune femme. Ce moment de silence eut un effet calmant. Comme un analgésique qu’on injecte. Pendant une seconde, les douleurs, les souffrances, les problèmes, tout cela était lointain. Envolés. La jeune femme se pencha, et ses cheveux blonds frôlèrent son visage au moment même où leurs lèvres se caressèrent dans un baiser. Ce baiser fut doux et tendre, en toute opposition à la situation. Ce contact intense le fit frémir. Comme à regret, Saki détacha ses lèvres des siennes et se saisit d’une chaise qu’elle plaça à côté du canapé. Léandre se mordit la lèvre inférieure et dans un soupir, clôt de nouveau les paupières.

Il n’y avait pas d’issues possibles. En plus Saki ne l’aidait pas, elle ne faisait qu’entretenir la confusion. Pourquoi tenait-elle absolument à le posséder ? Juste pour l’énerver, même si elle mettait sa vie en danger ? Cette fois-ci Léandre était enchaîner par de réelles entraves…La solution du problème l’échappait. Il était incapable de tuer Saki et même si c’était le cas, il en mourrait. Cette situation relevait du casse-tête ! Elle disait qu’elle ne voulait pas faire de lui son chien, sérieusement il en doutait. C’était exactement ce qu’elle venait de faire. L’asservir, le priver de sa liberté. En soi c’est un acte de haine n’est-ce pas ? Les motivations de Saki étaient obscures comme toujours.

Il ouvrit de nouveau les yeux. Avec précautions, il se redressa lentement et massa ses tempes douloureuses. Ca allait déjà mieux. Bientôt il pourrait se lever et partir. Il serait grand temps car le jour se levait déjà. Il se tourna vers Saki et lui annonça d’une voix plus assurée :

- Que tu le veuilles ou non, je partirai demain. Je refuse d’être ton esclave !

Il se fichait de la règle des 5 kilomètres. Il l’ignorerait. Il repartirait avec sa famille vers des contrées inconnues et sauvages. Parce que c’était comme ça et un point c’est tout. Le jeune homme ne pouvait même pas imaginer le fait de vivre à un seul endroit, surtout une ville aussi grande et froide que City.

- Ton imprégnation ne me retiendra pas ! Je... Je ne les laisserait pas tomber.

Léandre n'en était pas entièrement convaincu mais il l'espérait. La simple idée de se séparer de Ricardo et de ses parents lui était insupportable. Il préférait renoncer à tout sauf à ça. Ceux qui l'avaient aimé alors qu'il n'était qu'un étranger... Il n'allait pas commettre l'acte de les abandonner ! Dans un élan animé par une sorte de rébellion il serra les poings et se leva du canapé. Il ne se sentait pas prêt à courir un marathon, mais ce serait suffisant pour rentrer chez lui. Il lança un regard grave et déterminé à la jeune femme.

- Je m'en vais.

Invité

Saki regarda Léandre passer par toutes les couleurs et elle fut même vraiment étonnée de voir qu'un visage humain pouvait passer par autant de couleur. En effet, Léandre avait d'abord commencé par devenir blanc comme un linge, était ensuite partit vers le bleu pour ensuite se transformer en une espèce de mure violette, tout cela en passant par le vert d'eau et le vert bouteille. Il s'était ensuite métamorphosé en véritable pomme verte et était devenu jaune comme un petit soleil. L'orange était venu éclairer son visage et en ce moment, il était rouge...De colère. Elle continua de le regarder sans parler. Elle n'avait pas envie de lui adresser la parole pour le moment, sachant pertinemment qu'il ne comprendrait rien aux mots "survie" et "je ne veux pas mourir". De plus, son enthousiaste était en vérité une énorme façade. Elle fut même déçue que Léandre la connaisse aussi mal. Il aurait dût savoir qu'elle se répugnait à faire ça. Seulement elle n'avait pas vraiment le choix. Et puis il l'énervait et se plaignait par la suite ? Les hommes étaient donc aussi compliqués que les femmes ? Oui voulait dire non ou le contraire ? Ne souhaitait il pas qu'elle mis fin à ses jours avec délectation ? Elle n'avait pas fait ça et elle trouvait que le sort qu'elle lui avait infligé était même très sympathique par rapport à la transformation en vampire. Elle se demanda alors en soupirant quand viendrai le moment où les "oui" de Léandre seraient des vrais "oui" en quand ses "non" auraient vraiment une signification négative. Cependant, elle fut plutôt surprise lors de leur baiser. Elle sentit la colère qu'il éprouver pour elle fondre comme du beurre au soleil. Elle fut réellement étonnée de découvrir qu'elle lui faisait autant d'effet. Et dans un sens, ça lui faisait même plaisir. Assise sur sa chaise, elle se mit à marmonner comme une idiote des choses incompréhensibles. Elle était très gênée maintenant. Quel idiot !!!

- Que tu le veuilles ou non, je partirai demain. Je refuse d’être ton esclave !

Mais il était bouché...Ou alors il avait un problème d'audition...Enfin cela était à écarte maintenant. Il ne savait pas ce que voulait dire la phrase "tu ne seras PAS mon chien ?". Elle haussa un sourcil comme si il disait une aberration. En fait, ses yeux se voilèrent d'une douce tristesse. Elle n'aimait pas le terme "esclave". Qu'était un esclave si ce n'était pas un ami ? N'était ce pas quelqu'un qui nous protégeait au péril de sa propre vie ? N'était-ce pas celui qui restait constamment à nos côtés et qui était notre confident ? N'était-ce pas quelqu'un qui s'occupait de nous ? N'était-ce pas quelqu'un de gentil ? Elle se rappela alors que les esclaves n'aimaient pas leur maitres. Elle se souvint des esclaves qui vivaient en France avec elle. Elle ne les avaient jamais brutalisés. Elle les aimaient tous. Ce n'était plus des esclaves. C'était ses uniques VRAIS amis. A seize ans, elle avait connue l'amitié grâce à eux. D'ailleurs, pour elle, les esclaves étaient mal traités. Lorsqu'elle était allée vivre avec Charles, elle s'était promis que les gens qu'elle emploierai serait tous payés. En société, Saki était une beauté froide et superficiel. Cependant, l'intérieur était différent. De plus, elle ne pouvait pas accepter que Léandre pense qu'elle le considère comme quelqu'un qui travaillait pour elle. Ce n'était pas le cas. C'était son ami...Du moins le pensait elle...Elle savait qu'il ne ressentait pas la même chose pour elle mais qu'importe, elle lui ferait comprendre qu'il était beaucoup plus.

- Ton imprégnation ne me retiendra pas ! Je... Je ne les laisserait pas tomber.

Ses paroles la réveillèrent. Elle en oublia tout ce qu'elle pensait avant. Elle secoua la tête brusquement et le regarda se lever avec difficultés. Elle réfléchit à toute vitesse. Non...Peut-être qu'il n'était pas sérieux après tout. Il avait le don de bluffer et elle en avait déjà vu la couleur. Elle réfléchit, réfléchit encore et encore et n'aboutit à absolument rien. Il atteignit la porte et ouvrit puis se tourna vers elle.

- Je m'en vais.

Elle fut plus rapide que lui bien sur. Elle apparut devant lui, faisant barrage entre lui et la porte. Elle fronça les sourcils. Pas encore. Elle ne voulait pas souffrir encore et être de nouveau dans cette état. Jamais. Cette fois, il avait vraiment réussi. Oui, elle était terriblement en colère. Elle bouillait même. Elle lui mit une petite pichenette qui le renvoya directement dans la canapé. Il atterrit avec un bruit sourd contre les coussins. Il tenta de se relever mais trop tard, elle était déjà sur lui, lui emprisonnant les poignets. Elle tiqua tout à coup. Cette scène lui rappelait la scène qui avait eu lieu tout à l'heure. Sauf que les rôles étaient à présent inversés et qu'elle ne comptait absolument pas le mettre en colère - ce qui était déjà en majeur partie fait - ni le violer - car le temps n'était pas au batifolage. Elle ouvrit la bouche, cherchant rapidement ses mots puis lui cracha au visage tout ce qu'elle pensait.

- Oui ! Je le reconnais ! J'ai agis comme une parfaite petite égoïste ! Tu es content je reconnais enfin mes tords ! tu devrais être heureux n'est ce pas ? Je me sens comme une salope !

Elle utilisait des mots crus, sachant que ça ne le toucherait pas du tout. Elle était blessée à l'intérieur mais elle ne pouvait pas le laisser s'enfuir encore. Elle ne comptait pas toucher à sa famille. Elle ne sentit pas tout de suite les larmes de colère dégouliner sur ses joues. En fait elle oublia complètement où elle était car tout ce don elle avait besoin s'était de se vider un peu. Même si ça serait inutile, même si il refusait encore, elle serait calme et ne le mordrait pas de nouveau.

- Tu crois quoi ? Que tout est très facile pour moi ? Tu crois que ce retrouver avec un bras à moitié arraché et la majeur partie de ton sang qui se vide sur le béton ainsi que l'impossibilité de pouvoir te mouvoir est agréable ? tu crois que ne pas pouvoir bouger et avoir conscience de ce qui se passe sans pouvoir agir c'est agréable ? Tu crois que vois ses amis mourir c'est agréable

Elle se recula alors de lui. et c'est à ce moment là qu'elle sentit les larmes. Elle les essuya rageusement. les gouttes d'eau qui dévalaient sur ses joues. Elle souffla et repartit de plus belle. Hurlant sa colère et sa tristesse. Elle explosa littéralement. Le fait qu'elle en avait assez de passer pour la méchante de service alors qu'elle avait libéré les deux personnes qu'elle avait prise en otage. Assez d'être sans cesse insultée alors qu'elle avait sauvée Alexiel et qu'elle voulait continuer à le sauver car son amour pour lui était sans bornes et sans arrêt. C'était aussi pour cette raison qu'elle ne pouvait pas le laisser partir. Elle ne voulait pas perdre Alexiel. Pas cette fois. Cette fois elle se battrait pour garder les gens qu'elle aimait près d'elle.

- Je ne veux pas perdre Alexiel ! Je veux pouvoir guérir et j'ai besoin de ton sang pour ça ! Si jamais tu n'es pas là je ne pourrais plus le protéger et ça vois tu, il en absolument hors de question...De plus, si nous nous éloignons de plus de cinq kilomètres, tu souffriras autant que moi.

Elle ne souriait plus du tout et soupira. Pourquoi disait elle tout ça maintenant ? Il ne l'écouterait certainement pas. Enfin au moins il serait sûr qu'elle ne le laisserait pas partir. Elle se détourna de lui, ne pouvait plus le regarder dans les yeux à présent. Elle avait honte d'avoir pleuré devant lui et de s'être mise en colère. Elle essuya de nouveau ses yeux remplis de larmes. Elle n'en pouvait plus. D'après quelle loi n'avait elle pas le droit de souffrir elle aussi ? D'après qu'elle loi était elle plus méchante que les autres car elle était vampire ? Un souvenir lui claqua alors dans l'esprit et elle lacha avec une nouvelle pointe de colère dans la voix.

- Et puis j'ai promis à Alexiel de te garder en vie...

C’est vrai qu’il l’avait provoquée…Mais son but n’avait pas été atteint. Il aurait préféré qu’elle le tue plutôt qu’elle ne l’asservisse ! Surtout que Léandre, comme tous les nomades des temps modernes, ne supportait pas le fait d’être attaché comme un animal de compagnie. Humain de compagnie. Le terme l’avait frappé de stupeur. Rien que l’idée d’être soumis à une routine répétitive lui donnait l’envie d’hurler. Mais si en plus il devait abandonner les siens…
C’était hors de question ! Il surmonterait l’imprégnation, il trouverait une solution, mais il ne pouvait pas rester ici et laisser sa famille partir. Son entêtement le laissait sourd aux protestations de Saki, trop occupé à se convaincre que tout irait comme il l’entendait. Léandre se leva d’un pas aussi décidé qu’il le pouvait dans son état, et se dirigea prestement vers la porte d’entrée (ou de sortie, tout dépend de la façon dont on voit les choses .) Saki, qui avait retrouvé toutes ses facultés, l’attendait au tournant. Apparemment il s’était fait des idées sur la facilité de sortir d’une pièce, quand cette pièce appartient à Saki Fumisawa. Le visage de la jeune femme exprimait une sorte de colère mêlée à la férocité d’un animal sauvage. En temps normal, il aurait bien reculé de quelques pas. Mais bon à ce stade, qu’est ce qu’il pouvait perdre encore ? Léandre aurait voulu la défier, la juger de tout son orgueil mais la jeune femme ne plaisantait plus. Elle comprenait enfin que ceci n’avait rien d’un jeu.

D’un mouvement de bras aussi puissant qu’inattendu, elle l’envoya valser à l’autre bout de la pièce. Léandre atterrit sans trop de dégâts sur le canapé. Pourquoi réagissait-elle de façon aussi violente ? Etait-ce son refus catégorique d’être sous sa coupe ou bien l’acte de vouloir franchir le seuil ? Peut-être le deux. Aussi agile qu’un vampire en pleine forme, Saki l’immobilisa en le maintenant par les poignets. Retournez en prison sans passer par la case départ. Après une tentative pour se relever, il cessa de s’agiter. Le jeune homme serait tout à fait incapable d’égaliser un vampire, soyons réalistes. Il releva ses yeux d’un bleu épuré sur le visage de la jeune femme qui l’emprisonnait. Son visage était déformé par une fureur brûlante. Il la détailla un peu étonné alors qu’elle restait silencieuse. Léandre n’avait jamais vu Saki dans un tel état. Même lorsqu’elle combattait ou lorsqu’elle faisait preuve de cruauté, elle ne paraissait pas en colère. Là c’était carrément une déflagration inattendue de colère qui lui retombait dessus. Cependant il n’en éprouvait aucune fierté.

- Oui ! Je le reconnais ! J'ai agis comme une parfaite petite égoïste ! Tu es content je reconnais enfin mes torts ! tu devrais être heureux n'est ce pas ? Je me sens comme une salope !

Il n’allait pas la contredire quand même ! C’était exactement ça. Léandre fut surpris que Saki ait des états d’âmes, étant donné qu’elle semblait prendre un certain plaisir à commettre tous ses actes ignobles. Le jeune homme s’apprêtait à se réjouir, à jubiler intérieurement quand un élément inattendu vint faire son apparition.
Saki pleurait ? C’était possible ? De vraies larmes pas de la comédie ? Non, la jeune femme ne semblait plus avoir envie de jouer à ce petit jeu. Ca ne l’amusait plus.

- Tu crois quoi ? Que tout est très facile pour moi ? Tu crois que ce retrouver avec un bras à moitié arraché et la majeur partie de ton sang qui se vide sur le béton ainsi que l'impossibilité de pouvoir te mouvoir est agréable ? Tu crois que ne pas pouvoir bouger et avoir conscience de ce qui se passe sans pouvoir agir c'est agréable ? Tu crois que vois ses amis mourir c'est agréable

Face à tant de vérités révélées d’un seul coup, Léandre en perdait le fil. Certes, Saki n’avait pas eu une vie agréable mais est-ce que ca l’excusait ? Certainement pas. Bon peut-être qu’elle avait libérée celle qu’elle appelait « Mathilda ». Elle avait également sauvé la vie d’Alexiel par deux fois… Mais…mais… perdu dans ce flot de paroles, le jeune homme se trouvait à court d’arguments. Saki essuya ses larmes rageusement et recula. Sans doute n’appréciait-elle pas cette marque de faiblesse venant de son propre corps. Ca aussi il pouvait le comprendre.

- Je ne veux pas perdre Alexiel ! Je veux pouvoir guérir et j'ai besoin de ton sang pour ça ! Si jamais tu n'es pas là je ne pourrais plus le protéger et ça vois tu, il en absolument hors de question...De plus, si nous nous éloignons de plus de cinq kilomètres, tu souffriras autant que moi.

Normalement, il aurait dû lui rétorquer un truc du genre « ca sera plus supportable que de vivre à tes côtés » mais pour l’instant l’envie lui manquait. Une nouvelle information venait de percer dans son discours. Donc elle avait besoin de lui pour protéger Alexiel. De son sang seulement…Léandre resongea à Alexiel, si pur, si innocent, si démuni face à la cruauté de ce monde, qui, il faut le dire, s’acharnait sans relâche sur cette petite boule de plumes. Le jeune homme ne pouvait décemment pas le laisser tomber. Il lui devait également la vie ! Léandre appréciait énormément Alexiel, l’idée de le laisser sans défense lui déplaisait mais malgré tout… Il ne pouvait pas abandonner sa famille ! Il ne pouvait pas non plus les obliger de rester ici ! Tout ceci n’est qu’un casse-tête. A présent la jeune femme évitait son regard. Donc elle souffrait. Voilà qui compliquait encore la situation. Saki avait le don pour changer tous les paramètres, dissimuler des informations particulièrement cruciales et le plonger encore plus dans la confusion. Il devait mesurer qu’est ce qui était le plus urgent, le plus important. Il s’en retrouvait incapable ! Si le comportement de la jeune femme était si inégal, c’était qu’il devait être feint en partie. Cela pouvait expliquer, entre autres, son soudain pétage de plombs. Elle n’assumait pas ses actes ou le rôle qu’elle avait endossé délibérément. Un silence pesant régnait dans la pièce, jusqu’à ce que la voix agacée de Saki vint le rompre.

- Et puis j'ai promis à Alexiel de te garder en vie...

Léandre éclata d’un rire nerveux. Décidemment cette situation et la fatigue, ca ne lui réussissait pas. Il riait, alors qu’au contraire il était plus ou moins désespéré. Bizarrement, ca ne lui faisait pas de mal. Son hilarité prit fin assez rapidement et il se redressa. Finalement il ne disposait même plus de sa vie. On lui imposait des choses sans lui demander son avis. Cette folie l’avait réduit à ça, et maintenant, c’était l’heure des constatations. Cependant, ce rire apaisa sa tension nerveuse.

- Excuse moi… Mais tu avoueras que je n’ai eu aucun problème à rester en vie…jusqu’à ce que je vous rencontre tous les deux.

Son visage, furtivement éclairé par un sourire, reprit son expression grave et torturée. Le jeune homme poussa un soupir et se laissa retomber sur le canapé les bras ballants. Le plafond n’était pas si moche après tout.

- Je suis tombé bien bas on dirait…, dit-il dans un souffle

Le jeune homme clôt les paupières en guise de réconfort. Il était épuisé. Epuisé de subir toutes ses défaites, toutes ces tragédies. Depuis combien de temps n’avait-il plus sourit ? Pour combien de temps encore ces nuages orageux assombriraient son beau ciel bleu ? Léandre était fatigué d’avoir à encaisser tous ces coups, même d’avoir à les rendre. Il était profondément las de se battre. Garder les yeux fermés lui procurait un certain apaisement. Peut-être que tout ce qu’il venait de vivre n’était qu’un cauchemar ? Peut-être qu’il n’avait pas à faire ce choix cornélien ? Hélas…c’était bel est bien la réalité. Léandre voulait l’ignorer mais elle le rattrapait toujours. " Parfois la réalité est tellement mal écrite, qu’on ne veut même pas en connaître la fin*" . Dans son cas, il préférait ignorer quel sort funeste lui réservait le destin…

Les yeux fermés, le jeune homme avait l’impression de flotter, d’être isolé. Comme c’était agréable ! Comme c’était éphémère ! Il plaqua ses deux grandes mains sur son visage. Saki ne serait probablement jamais disposée à le libérer de son emprise. En d’autres termes il n’avait pas le choix. Cependant… peut-être que…Rien n’est vraiment éternel n’est ce pas ? Léandre rouvrit progressivement les paupières, libérant deux lacs profonds. Le jeune homme songea de nouveau à Alexiel et se fit une raison.

- Donc si je veux sauver la vie d’Alexiel je n’ai pas le choix…Je dois accepter.

Il laissa tomber ses mains le long de son corps et en profita pour se redresser. Faisant face à Saki, leurs regards se heurtèrent. Il n’avait d’autres options qu’un espoir incertain. Mais il tenait, rien n’est jamais totalement perdu.

- Mais en échange, tu dois me promettre que lorsque qu’Alexiel sera totalement en sécurité, tu me libéreras.

Il s’agissait d’une échappatoire une peu bancale, mais c’était tout de même mieux que rien du tout. Léandre devait renoncer à sa liberté, oui, mais temporairement. Dès qu’Alexiel serait en sécurité, le jeune homme pourrait reprendre sa vie d’avant. De cette façon, il ne commettait aucun abandon non ? C’était une promesse qu’il s’était faîte. Ne jamais abandonner quelqu’un, surtout quelqu’un qu’on aime.

* dixit Thomas Gunzig

Invité

Saki se demanda qui était le crétin qui l'avait fait naitre. Elle se demanda pourquoi quelqu'un avait eu la stupidité de la faire naitre. Elle ne voulait pas elle ! Et pourtant...Si elle avait su elle se serait abstenue. Pourtant, elle ne regrettait plus à présent son existence. Elle repensa à tous les moments de sa vie et pensa que c'était certainement une des partie les plus importantes de son vivant. Elle se demanda si un jour elle finit malade et morte. Elle se demanda si après avoir sauvé tout le monde elle pourrait enfin mourir comme elle l'avait toujours voulu. Ne pas souffrir, s'endormir tranquillement. La jeune femme soupira et resta de dos à Léandre. Elle ne voulait pas le regarder. Pas après avoir craqué comme ça devant lui. Elle était épuisée et la seule chose qu'elle voulait c'était aller courir. Ou alors se jeter d'un immeuble. ça ne lui ferait aucun mal de toute façon. Elle haussa les épaules. Elle pourrait aussi jouer du piano non ? Oui !!! Elle fit alors une mine complètement sadique et pensa à regarder tous ses films d'horreur préférés. elle fut soudain sortit de sa rêverie par le rire de Léandre. Il était encore là lui ? Pas censé partir à l'autre bout de la terre ? Ah ! c'est vrai elle venait de le retenir en hurlant !

- Excuse moi… Mais tu avoueras que je n’ai eu aucun problème à rester en vie…jusqu’à ce que je vous rencontre tous les deux.

Saki se stoppa soudain et se demanda si c'était un reproche. Elle sourit. Elle ne put se retenir. Elle s'était tout le contraire. Il semblait être dérangé de cette rencontre qu'ils avaient eu devant cette rivière, pourtant pour elle, c'était resté un instant magique. Elle avait toujours eu du mal à rester en vie avant cette date. Avant qu'Alexiel soit emmené à l'hôpital, avant que Léandre l'embrasse, avant qu'elle le morde, avant qu'elle sauve Alexiel, avant qu'il soit son fils. Elle ne s'excuserai pas. Elle était trop heureuse. Elle continua à sourire et leva la tête vers Léandre, une note triste dans le regard.

- Tu vas peut être rire...Mais pour moi c'est absolument le contraire...Même en temps que Salope !

Après tout, être une salope n'avait pas que des inconvénient. On pouvait se moquer ouvertement des gens et leur cracher des insultes à la figure sans changer de statut. Bon d'accord, on se faisait souvent détester après mais ce n'était pas si mal. Après tout, pourquoi ne pas rester une salope ? C'était sympa finalement. C'était ça ! Saki serait une saleté de la pire espèce et elle ne ferait baver et ce Léandre qui avait volé son âme. Non mais de quel droit d'abord ? Elle n'avait même pas donné son autorisation.

- Je suis tombé bien bas on dirait…

Elle eu envie de se taire, mais la réplique sortit trop vite. Elle adorait balancer d'un sentiment à l'autre. Ce mettre en colère était le seul vrai sentiment qu'elle exprimait. Tout les autres étaient faux. Mis à part cette douleur et cette gêne lorsque Léandre était trop près et puis aussi cet amour pour Alexiel. Le reste n'était qu'un jeu pour elle. Tout compte fais elle se fichait bien de ce qu'il pourrait penser. Il ferait sa vie de son côté, elle du sien, en restant proches tout de même et elle l'embêterait comme d'habitude. Comme d'habitude il la détesterait et comme d'habitude Alexiel viendrait marcher près d'eux en riant et en pleurnichant. Elle fit de nouveau un sourire narquois à Léandre et répliqua.

- Tu sais quoi ? Bienvenu au club !

Il avait l'air drôlement fatigué en attendant. Elle le poussa sur le canapé et l'obligea à s'allonger. Un endormi ne lui servirait strictement à rien. En attendant, la cuisine commencerait ! Elle se dirigea avec entrain vers son plan de travail, le laissant parler et se reposer par la même occasion. Il n'avait jamais besoin de dormir cet humain ou quoi ? Les affabulations de Saki prirent fin et elle dégota un paquet prés préparé de gâteau au chocolat. Elle décida d'en faire un. Elle se mit à cuisiner, tout en écoutant Léandre.

- Donc si je veux sauver la vie d’Alexiel je n’ai pas le choix…Je dois accepter.

Enfin une bonne décision. Au moins elle ne serait pas obligée de le trainer par la peau du cou. Profitons en dans la joie et la bonne humeur ! Elle continua à préparer son gâteau. C'était toujours un plaisir de cuisiner, tout sourire, sachant que la personne qui vous déteste le plus est dans la pièce et vous regarde faire comme si il n'était pas là. Elle étouffa un rire. Chassez le naturel il revient au galop n'est-ce-pas ?

- c'est l'idée oui...

- Mais en échange, tu dois me promettre que lorsque qu’Alexiel sera totalement en sécurité, tu me libéreras.

Elle se stoppa. Il avait aussi pensé à ça ? Évidemment, tout le monde n'avait pas une cervelle d'œuf. Elle haussa les épaules. Bof, de toute façon c'était ce qu'elle avait prévu depuis le début le libérer. Elle souria de nouveau pleine d'entrain et d'assurance. Il la regardait toujours, sûrement partagé entre le fait de lui sauter à la gorge ou la tuer dans son sommeil.

- pas la peine de promettre, je comptai te libérer avant de mourir de toute façon...Enfin si ça peut te rassurer je promet...

Saki avait finit. Elle plaça le plat dans le four et alla s'asseoir sur une chaise près du canapé. Elle ne voulait pas s'asseoir comme ça. Elle se releva, envoya la chaise aller s'écraser contre le mur puis se mit en position assise et s'envola dans les airs de quelques cinquante centimètres. Les indoux étaient des génies. Heureusement qu'elle connaissait un peu le principe de s'élever. Elle contempla Léandre. Il avait un peu changé. Il paraissait plus adulte que la dernière fois, moins joueur, plus sérieux. Elle aurait aimé revoir ce visage souriant qu'il lui avait montré. Elle soupira.

- Pourquoi je t'ai rencontré ?

Cette parole était pour elle même mais elle l'avait lâché tout haut. En réalité. Elle n'avait aucun regrets dans cette phrase. C'était presque plus une question même. Elle soupira, c'était une question rhétorique. Enfin elle se posait tout de même la question. Elle aurait aimé que cette nuit ne se finisse pas. Elle se pencha vers Léandre et s'arrêta à quelques minuscules centimètres de son visage. Regardant ses yeux. Elle ne savait pas pourquoi mais elle en avait envie. Elle fut soudain aspirée par les yeux. Elle tenta de reculer plus que de raison mais elle n'y arrivait pas. Elle décida que autant jouer les salopes autant aller jusqu'au bout. Cependant, elle ne ressentit pas vraiment ça. Elle vit même plutôt le contraire. Pleins de sentiments (probablement ceux de Léandre) des souvenirs et même ses sentiments à elle. C'était amusant. Elle voyait pleins de couleurs se détacher dans les azurs du jeune homme et elle perdit son sourire, trop concentrée par les yeux. Soudain, elle bascula en avant et alla s'écraser sur le sol. Le "dig" avait sonné. Elle se massa le menton et alla voir. Le gâteau était cuit. Elle coupa quelques parts, en pris une et alla même déposer le gâteau près de Léandre, persuadée qu'il n'en prendrait pas.

- hey...C'est bon...ce chocolat...hum....délicieux....

Elle se demanda alors pourquoi elle aimait tant ce moquer de lui. Trop de questions sans réponses était décidement trop mauvais pour sa santé. Mais narguer Léandre était une seconde nature chez elle et elle ne regrettait pas ce qu'elle faisait. Même en colère il gardait une note cynique qui amusait la jeune femme au plus haut point.
Un détail la frappa alors. Elle chassa immédiatement ce détail de ses pensées. Elle y pensait trop en ce moment. Peut être parce que la date de sa mort se rapprochait inexorablement ? Que ce serait forcement un jour de pluie et que une fois encore elle ne se rendrait pas en France ? Elle haussa les épaules et s'allongea sur le sol, fixant son plafond.

- Dis Léandre...si quelqu'un que tu aimes beaucoup mourrai tu te rendrais sur sa tombe à l'anniversaire de sa mort ?

Elle en avait assez de se battre maintenant. Elle tourna le regard vers lui et plongea de nouveau ses yeux dans les siens. Elle ne voulait pas qu'il lui pardonne mais seulement qu'il ne soit pas malheureux. Elle lui avait promis de le libérer. Elle aimerait tellement qu'il lui pardonne. Elle voulait rire avec lui. Ils allaient vivre ensemble donc ce serait mieux de s'entendre. Elle ferait n'importe quoi pour se faire pardonner. Et puis depuis tout à l'heure, les lèvres de Léandre l'attirait énormément. C'était très désagréable de voir deux choses comme si elle vous sussurait "viens à moi" en permanence.

- Tu vas peut être rire...Mais pour moi c'est absolument le contraire...Même en temps que Salope !, rétorqua-t-elle.

Léandre lui lança un regard interrogateur. Qu’est ce qu’elle voulait dire exactement par là ? Qu’elle ne vivait pas avant de les avoir rencontré ? Le jeune homme pensa que c’était un peu mièvre et puis bon avec Saki… Allez savoir si elle parlait sincèrement. Même avec son air hautain, son regard exprimait une certaine mélancolie. « Quand bien même ce serait vrai, cela ne change rien » continua-t-il de penser en évitant son regard. Sa vie avait bien changé depuis qu’il les avait rencontrés et jusque là, il ne lui était pas arrivé que des bonnes choses… En croisant Saki la première fois, en partageant ce doux baiser, il n’aurait jamais imaginé qu’ils en arriveraient là. De l’eau avait coulé sous les ponts…enfin…du sang plutôt. Mais tout cela c’était uniquement de sa faute ! Le jeune homme clôt les paupières et poussa un long soupir de lassitude. Tout ce qui lui arrivait était complètement dingue en fin de compte. Saki lui adressa un sourire narquois avant de répliquer.

- Tu sais quoi ? Bienvenu au club !

Apparemment la jeune femme n’avait pas abandonné l’idée de le rendre dingue. Qu’est ce qu’elle gagnerait à l’énerver ? Pff après tout elle devait se venger de son manque de compassion envers elle. Tant pis, de toute façon il ne s’excuserait pas pour ça. La jeune femme l’obligea à s’allonger. Le jeune homme s’étonna d’avantage de ses réactions contradictoires, n’y cherchant même plus une quelconque logique. Elle était comme ça un point c’est tout. Il devrait s’y faire. Les yeux fermés et plongé dans une obscurité rassurante, Léandre faisait de son mieux pour réfléchir. Il plaqua ses deux mains sur son visage. Il était épuisé devoir supporter cette situation, de devoir refouler ses sentiments, d’être aussi confus. Et en plus il s’apitoyait sur son sort... Mais qu’était-il arrivé au jeune homme fier, souriant et gonflé d’orgueil ? Avait-il complètement disparu ? Il fallait qu’il se reprenne. Certes, il était dans l’impasse mais il n’avait pas le choix. Alors il allait accepter sa condition, faire de son mieux pour remplir son contrat et ensuite tout redeviendrait comme avant. Un peu de nerfs que diable ! Même si la situation était désastreuse il y avait encore de l’espoir. Saki n’aurait pas sa liberté et en plus son âme. Il était encore maître de lui-même alors ce n’était pas le moment pour laisser le désespoir le submerger ! Léandre comptait bien se relever de ses échec, sinon il pouvait bien dire adieu à son amour-propre. Il laissa retomber ses mains et ouvrit les paupières. Désormais il se sentait beaucoup plus apaisé et prêt à affronter la jeune femme.

- Donc si je veux sauver la vie d’Alexiel je n’ai pas le choix…Je dois accepter.

- c'est l'idée oui...

Le jeune homme leva les yeux au ciel. Décidemment Saki aurait toujours quelque chose de méprisant à lui lancer…Il réprima son envie de la frapper et récupéra son sang-froid. Il n’allait pas encore se laisser manipuler par ces provocations ridicules. Il était au dessus de ça quand même. Il se redressa et observa Saki, occupée à préparer quelque chose dans la cuisine.

- Mais en échange, tu dois me promettre que lorsque qu’Alexiel sera totalement en sécurité, tu me libéreras.

Un sourire satisfait apparut sur le visage du jeune homme lorsque Saki s’arrêta brutalement. Elle ne s’y attendait donc pas ? Il ne comptait vraiment pas passé sa vie comme esclave, ou même humain de compagnie. La jeune femme lui tournait le dos et ne pouvait donc pas voir que son sourire amusé avait fait sa réapparition. Léandre laissait son regard s’égarer sur la chute de reins de Saki, l’air rêveur, quand cette dernière répliqua comme si de rien n’était :

- pas la peine de promettre, je comptais te libérer avant de mourir de toute façon...Enfin si ça peut te rassurer je promets...

- Parfait.

Voilà le marché était conclu… Restait à savoir si elle s’acquitterait de sa promesse, pour l’instant sa parole lui suffisait. Léandre venait de sceller son destin par cet accord. Quelque chose l’interpella. Il se demanda si Saki comptait mourir à la fin de sa mission. Il chassa cette pensée de son esprit et observa la jeune femme fracasser une chaise contre le mur et s’élever dans les airs. Le jeune magicien n’était pas impressionné le moins du monde, il avait déjà fait ce genre de tours mais bon, là, les conditions ne permettaient pas de trucages. Un truc de vampire sans doute…Le jeune homme s’allongea paresseusement sur le canapé. Même si il était fatigué, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. Peut-être que le fait de se retrouver seul dans la même pièce qu’un vampire dangereux, ne l’incitait pas à le faire. Et puis… Il était trop nerveux. Il devait encore faire fonctionner ses méninges pour trouver un moyen de quitter sa famille. Il ne pouvait dignement pas les laisser partir sans les revoir, disparaître comme ça. Ils ne méritaient pas un tel traitement. Léandre leur devait un semblant de vérité. Au moins.

- Pourquoi je t'ai rencontré ?

Le jeune homme se tourna vers Saki et la regarda dans les yeux. En voilà une bonne question ! Il se demandait si effectivement il devait regretter leur rencontre. La réponse était impossible à trouver. Il ne savait pas. Il ne voulait pas le savoir. Saki s’approcha, se penchant sur lui en souriant. Le jeune homme resta immobile, fixant ses yeux argentés. Il se souvint à quel point il l’avait trouvée captivante, extraordinairement attirante, intelligente… Cela semblait si loin. Et pourtant plus il s’approchait, plus il semblait se rapprocher de cette sensation de magnétisme. Saki était si proche, si tentante…comme toujours. Le fruit défendu, mais défendu par la raison. Sans quitter des yeux ces iris brillant comme de l’argent, il prononça ces mots à voix basse.

- Je me pose la même question…

Saki était trop proche, de là il pouvait sentir son parfum envoûtant. Léandre du déployer des efforts de volonté considérables pour se retenir de ne pas la toucher. Les battements de son cœur s’accélèrent, par protestation. Cependant il ne devait pas céder à la tentation. Un ding retentit dans la cuisine, l’arrachant à sa contemplation. Saki disparut de son champ de vision. Dans un sens, il en était soulagé. Ce n’était pas normal de ressentir des choses pareilles envers son « ennemi », bon théoriquement, ils étaient dans le même camp mais bon, vous comprenez. Léandre profita de cet instant de répit pour reprendre ses esprits. Cette sensation honteuse qu’il refoulait au plus profond de son âme ne cessait de revenir, toujours plus forte parce qu’à la fois intensément désirée et réprimée. Saki revint avec du gâteau au chocolat. Léandre adorait le chocolat cependant il n’avait pas faim. Le stress lui coupait l’appétit, il laissa donc la jeune femme se bâffrer. Le jeune homme poussa un soupir, croisa ses bras derrière sa tête, et toujours allongé avec nonchalance, il s’accorda un instant de vengeance.

- Si tu continues de t’empiffrer de cette façon, tu vas devenir obèse. Ce n’est pas digne d’une lady.

Un peu maigre, mais c’était tout ce dont il était capable pour le moment. Ignorant royalement la jeune femme, une idée germa dans son esprit. Il venait de trouver le moyen de convaincre ses parents. Son visage prit une sorte d’expression à la fois mélancolique et fataliste. Le jeune homme n’avait pas le choix, et il allait certainement détester faire ça. Après tout sa famille lui avait prodigué tout ce dont il avait besoin, alors qu’il n’était qu’un étranger comme les autres. Ces gens éprouvaient de vrais sentiments. Ils aimaient et haïssaient à en crever. Il vous gavait d’une affection inconditionnelle sans rien demander en retour. Les abandonner c’était comme les trahir, un acte purement abject. C’était cependant sa seule option pour qu’ils n’en souffrent pas. A moins que je ne parvienne à m’effacer de leur mémoire, pensa-t-il ironiquement. Malheureusement il était incapable de faire ce qu’il avait subit. Tout comme Saki, Léandre fixait le plafond.

- Dis Léandre...si quelqu'un que tu aimes beaucoup mourrai tu te rendrais sur sa tombe à l'anniversaire de sa mort ?

Il se tourna vers la jeune femme, étendue sur sol.

- Si c’est important pour toi, fais-le. Mais je pense qu’il y a d’autres façons d’honorer un mort que d'aller rendre visite à ses ossements.

Ce n’était que ça, de la poussière. D’ailleurs Léandre n’avait pratiquement jamais été sur la tombe de son oncle. Cela ne l’empêchait pas de penser à lui, à son génie et à sa joie de vivre. Il ignorait quel âge avait vraiment Saki, mais elle avait certainement eut son lot de pertes. Chacun sa croix. Le destin nous réserve parfois des épreuves cruelles, le jeune homme ne prenait seulement conscience. Il s’apprêtait à exécuter l’acte le plus difficile de sa vie, se détacher d’une partie de son âme. Le jeune homme se redressa et se leva. Il devrait le faire de toute façon. Il jeta un regard à Saki, hésita et finit par ouvrir la bouche.

- Saki, je suis fatigué de me battre et surtout fatigué de me taire. Parfois je ne sais pas où tu veux en venir, ni à quoi tu joues. Tu es tellement changeante ! Quoiqu'il en soit...désormais nous sommes dans le même camp, alors...Il vaudrait mieux cesser cette petite guerre. Nous sommes ridicule.

- Ca ne veut pas dire que je te pardonne loin de là. Je demande juste un cessez-le-feu. Ca sera plus vivable pour nous deux.

De toute évidence, il n'avait pas la force de la combattre. Léandre désirait juste être libéré du poids qui pesait sur ses épaules, de la confusion qui régnait dans son esprit. Il voulait de la clarté. Il voulait qu'elle arrête de le provoquer, qu'elle arrête de l'aguicher. Il ne pouvait plus le tolérer. Fataliste et sans attendre une réponse de sa part, il se dirigea vers la porte. Sa main resta suspendue face à la poignée. Une fois dehors, il n'aurait plus le choix. Il ne pourrait plus retourner en arrière....

Il posa sa main sur la poignée et la tourna.

- J'ai des adieux à faire.

Invité

Qui aimerait être comme ça ? Comment ne pas paraître comme ci ? Il ne faut pas oublier d'être comme ça n'est-ce pas ? Pourquoi je ne peux pas être comme ça ? Et pourquoi je dois être comme ci ? C'était des questions que se posait Saki au quotidien. Elle ne savait plus quelle était sa personnalité. Si elle était colérique. Si elle était triste, si elle était fatiguée. Si on la demandait méchante, elle serait méchante. Si on la voulait gentille elle serait gentille et si on voulait la voir triste, elle le serait. Elle n'était pas qu'un corps vide, mais elle était sans personnalité sans aucuns doutes. Si...Elle avait peut être ce sadisme qui la définissait bien, cette envie de s'en sortir, cette amusement. Saki n'était peut être pas une mauvaise personne, mais on ne pouvait pas dire que c'était un ange non plus. Elle soupira, elle se posait trop de question, n'avait confiance en personne, avait toujours peur d'ennuyer les gens et adoptait donc une attitude qui n'était pas vraiment la sienne. Elle préférait ne rien dire que donner son avis et suivre plutôt que mener. Saki n'était pas une meneuse. Elle pouvait facilement gouverner une seule personne, mais plusieurs ce n'était pas sa tasse de thé. En même temps, elle n'était pas non plus réservée et pouvait être aussi bien extravertie, fofolle, sage, inquiétante, marrante. tout une palette d'illusions pour les yeux de ces messieurs-dames. Seulement maintenant, elle était fatiguée de tout ça et de jouer à être gentille.

- Si tu continues de t’empiffrer de cette façon, tu vas devenir obèse. Ce n’est pas digne d’une lady.

Elle tourna la tête vers Léandre et se mit à rire. Elle ne pouvait pas grossir et tout ce qu'elle ingurgitait était brûlé par l'énergie qu'elle dépensait. Elle s'arrêta. elle trouvait ça vraiment drôle ou alors était ce encore quelques chose pour se donner une certaine contenance ? Elle ne chercha pas la petite bête et se contenta de regarder le gâteau auquel il manquait un quart. En attendant, il était délicieux et s'était toujours un plaisir de manger. La discution partit soudain sur les morts. C'était elle qui avait posé la question. Elle attendit la réponse et fut surprise.

- Si c’est important pour
toi, fais-le. Mais je pense qu’il y a d’autres façons d’honorer un mort
que d'aller rendre visite à ses ossements.

Chacun sa vision des choses. Elle se demanda de quelle façon elle pourrait le faire. Il y avait différents façons mais elle n'avait aucune idées de comment faire, ayant renoncé à ses morts depuis bien longtemps. Elle n'était pas allée sur la tombe de sa mort ni sur celle de son père. Elle n'était jamais allée sur Sa tombe et encore moins sur la tombe de ses frères et sœurs. Elle haussa les épaules, se disant que perdre la mémoire était peut être une façon lâche d'affronter ses responsabilités mais que c'était une condition assez agréable de tout oublier.

- Saki, je suis
fatigué de me battre et surtout fatigué de me taire. Parfois je ne sais
pas où tu veux en venir, ni à quoi tu joues. Tu es tellement changeante
! Quoiqu'il en soit...désormais nous sommes dans le même camp,
alors...Il vaudrait mieux cesser cette petite guerre. Nous sommes
ridicule.

- Ca ne veut pas dire que je te pardonne loin de là. Je demande juste un cessez-le-feu. Ca sera plus vivable pour nous deux.

Ridicules ? ça s'était sur. Elle voulait bien arrêter de l'embêter mais elle voulu tout de même éclaircir quelques points. Certes, elle était très changeante et changeait tout le temps d'avis, cependant elle n'avait pas les mêmes motivations qu'elle pour être cynique et peut agréable.

- Comme tu veux. Mais moi je ne te déteste pas, je n'ai jamais dit que ça me dérangeait de vivre avec toi...

Elle ferma les yeux et décida de se taire. Elle avait une très vive envie de courir et avait envie de le faire là maintenant. Seul petit problème, elle devrait rester à 5 kilomètres de Léandre. Pas grave. Ce serait très bien à cinq kilomètres elle pourrait courir. Elle se leva et s'approcha de la fenêtre quand il recommença à lui parler.

- J'ai des adieux à faire.

- Comme tu veux. Moi aussi je sors donc si tu me cherches tu n'as qu'à m'appeler. Bien que je doutes que tu en ai envie, il faudra bien apprendre à te débrouiller avec tes nouvelles capacités...

Ensuite elle se tut, ouvrit la fenêtre et plongea. Elle sentit le vent fouetter son visage. C'était très agréable. Elle vit le sol se rapprocher de plus en plus vite. Lorsqu'elle atterrit sur le bitume, ses genoux se plièrent. Bonne réception au moins. Elle consulta sa montre : huit heure. C'était important de se lever tôt le matin, même si pour elle se "lever" était plutôt inutile. Elle repéra un immeuble et grimpa dessus avec agilité. Arrivée au sommet, elle regarda l'horizon. Le soleil avait teinté les nuages de rose et de rouge et elle trouva cela très beau, malgré ce qu'elle allait vivre dans l'avenir. Elle sentit Léandre marcher. Elle ne devait pas rester loin. Elle s'éloigna au maximum de lui puis s'assit et attendit patiemment qu'il avance. Chaque fois qu'il faisait un pas elle reculait d'un pas. Plus il avançait et plus elle reculait. Elle devait faire très attention, elle n'aimait pas vraiment ce que lui faisait subir la limite. A présent elle était dans une forêt. Elle se mit donc en chasse. Elle bondit vivement sur sa proie et plongea ses dents dans la chaire de l'animal. Lorsqu'elle fut repue, elle alla s'allonger dans une colline sans arbre pas très éloignée de Léandre.

- nul n'imagiiine...quel est son secret, nul ne le saiiit...*

--------------------------------------------------------------------------------------------------

* paroles du générique de devilman en français